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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

d’abord au sommet du crâne, parce que c’est le lieu le plus froid du corps à cause de la présence de l’encéphale, l’organe refroidissant par excellence, comme en le verra plus loin. Elle vient d’autant plus vite qu’on s’adonne aux plaisirs de l’amour[1]. Les animaux ne sont jamais chauves parce que leur encéphale est plus petit et permet, en conséquence, à la tête de s’entretenir dans une chaleur suffisante (Gen., V, 63). La chute des cheveux n’est pas, d’ailleurs, un fait isolé, et dépend d’un ordre de chose beaucoup plus général. Les oiseaux qui se retraitent (voy. ci-dessus) perdent leurs plumes, un certain nombre de végétaux perdent leurs feuilles (Gen., V, 50). Si les plumes de ces oiseaux, les poils des animaux ou les feuilles des arbres repoussent au printemps, c’est que, pour ces êtres, le retour des saisons amène des changements, tandis que chez l’homme les saisons de la vie se succèdent sans retour ; donc, les circonstances favorables à une pareille rénovation ne se présentent pas (Gen., V, 56). Les cheveux, les plumes, les feuilles des arbres, tombent par le manque d’humidité chaude. Et comme de toutes les humidités celle qui est la plus chaude est la graisse (λιπαρόν, aussi voyons-nous les plantes grasses (λιπαρά = résineuses) rester vertes.

Tout ce qui a trait à la robe des quadrupèdes vivipares est beau-coup plus intéressant. Chez les animaux à robe bigarrée, la peau offre toujours au-dessous du poil une couleur correspondante (Gen., V, 68), et c’est celle-ci qui règle la couleur de celui-là. L’auteur aristotélique le démontre par l’exemple de la langue des animaux (domestiques) qui est souvent de plusieurs couleurs, et puisque la peau peut être diversement colorée où il n’y a point de poils, il faut donc que ce soit l’état de la peau qui règle celui du poil (Gen., V, 76). L’argument est juste, il l’est d’autant plus qu’aux regards de la science moderne, la langue est recouverte non d’une muqueuse, mais d’une véritable peau tout à fait comparable à celle de la surface du corps. Cependant, d’après notre auteur la même règle ne s’applique pas aux hommes ; il en est qui ont le teint très clair avec des cheveux foncés. La peau n’a donc plus ici d’influence sur la couleur des cheveux, et chez les albinos[2] les cheveux deviennent blancs indépendamment de la couleur de la peau (Gen.,

    premières ; la coiffure empêche l’accès de l’air et celui-ci est contraire à la pourriture. »

  1. « Parce qu’ils engendrent par eux-mêmes le froid en causant une perte de chaleur pure et physique (καθαρᾶς καὶ φυσικῆς θερμότητος ἀπόκρισις) » et que ce froid vient s’ajouter à celui de l’encéphale.
  2. Qu’il s’agisse ici de gens affectés d’albinisme total (λεύκη) ou de simple vitiligo, il est inexact que le couleur des poils soit indépendante de celle de la