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les écailles. De là même vient le nom du vieillard (γῆρας), de γεηρός. La science moderne n’a pas confirmé, croyons-nous, cette étymologie. L’important est qu’on lait invoquée. Quand nous appliquons au corps du vieillard l’épithète de « desséché », nous savons que nous parlons au figuré. Les anciens physiologues croyaient sa peau véritablement privée de l’humidité qui fait la rondeur des formes juvéniles, ils employaient la même expression que nous, mais au propre. C’est l’histoire d’une foule de locutions.

Tout ce qui précède, sans être marqué au coin d’une science profonde, donne au moins quelques indications de doctrine. Ce qui va suivre, extrait également pour la plus grande partie du Ve livre du traité De la Genèse, n’offre pas même cet intérêt ; il s’agit de la canitie, de la calvitie, sujets sur lesquels on peut, sans grand s voir, disserter beaucoup. On trouve là aussi des légendes, des faits mal observés, des recettes de toilette[1], des allusions aux comiques[2], et enfin des opinions en contradiction formelle avec les idées fondamentales du maître[3]. Nous passerons très vite. « On a, à tort, invoqué le dessèchement comme cause de la couleur blanche que prennent les cheveux. Il n’y a aucune assimilation à faire entre les cheveux qui blanchissent et un gazon qui se dessèche : on voit en effet des poils de barbe qui naissent blancs, or rien de desséché ne pousse. On grisonne par une sorte d’état maladif (Gen., V, 57)[4] : si les cheveux rouges deviennent plus vite gris que les noirs (Gen. V, 64-65), c’est que cette coloration est déjà un signe de faiblesse. Parmi les animaux, il n’y a que le cheval qui grisonne un peu. Mais l’homme est le seul être qui blanchisse aussi complètement. C’est par le front qu’on devient chauve d’abord, mais c’est par les tempes qu’on grisonne d’abord (Gen., V, 38). Les enfants ne sont jamais chauves. La femme ne devient pas chauve parce qu’elle tient de la nature de l’enfant, de même les eunuques parce qu’ils tournent à la femme[5]. La calvitie se montre

    ce passage d’ailleurs, emprunté à la fin du traité De la Genèse, n’est vraisemblablement pas d’Aristote.

  1. On empêche les cheveux de grisonner avec un mélange d’eau et d’huile (Gen. V, 66).
  2. Il s’agit des cheveux blancs comparés à ces fines toisons de moisissures qui poussent sur les substances vieillies et altérées.
  3. Cette opinion entre autres que les femmes n’émettent point le liquide séminal (voy. ci-dessous).
  4. « Ia barbe ne leur pousse point ou bien elle leur tombe, tandis qu’ils conservent le poil des parties génitales qu’ont aussi les femmes. »
  5. « La preuve que les cheveux grisonnent par une sorte de putréfaction (= altération morbide) et non parce qu’il se dessèchent, est que les parties ordinairement couvertes, comme la tête par la coiffure, deviennent grises les