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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

l’huile sèche moins rapidement que l’eau, et dans ce cas les cheveux deviennent longs. (Gen., V, 41.)

C’est encore l’évaporation qui rendra compte de la nature lisse ou crêpue des cheveux (Gen., V, 43.). S’ils ont contenu d’abord un peu d’humidité et qu’ils se dessèchent, ils se tordront comme le cheveu exposé à la chaleur d’une flamme. Un climat chaud et sec, en desséchant les cheveux, les rend crêpus ainsi qu’on le voit chez les Æthiopiens, tandis que les Scythes et les Thraces du Pont ont les cheveux lisses par leur excès d’humidité, en rapport avec celle du climat qu’ils habitent (Gen., V, 44.). Il semble toutefois qu’ici se présente une difficulté : si les peuples du nord ont les cheveux doux et lisses, comment se fait-il que les moutons sarmates aient la laine rude ? (Gen., V, 47.). Mais en ces sortes de conjonctures, l’École n’est jamais embarrassée et trouverait plutôt deux raisons qu’une. Si les moutons sarmates ont la laine rude, c’est qu’ils vivent en plein air comme les animaux sauvages et que le froid dessèche non moins que la chaleur[1]. Si les Sarmates ont les cheveux blonds et doux, c’est que l’humidité ne va jamais sans un peu de chaleur et que le propre de celle-ci est précisément d’attendrir les corps, de les ramollir. Heureuse philosophie qui savait si bien concilier toutes choses et en découvrir les raisons !

Un autre exemple de cette influence du froid et du dessèchement sur les sécrétions de la peau nous est offert par un Oursin qu’on employait à Athènes, probablement en médecine, et qu’on pêchait par 60 brasses (ὀργυιά = 1 m. 850) environ, c’est-à-dire, selon les idées d’alors, dans les parties froides de la mer. Ces Oursins sont petits avec des baguettes grosses et rugueuses : grosses, nous dit-on, parce que ces animaux ayant peu de chaleur cuisent mal l’aliment qui tourne dès lors en sécrétions périphériques abondantes ; rugueuses, parce que le froid solidifie ces sécrétions et les congèle en quelque sorte. C’est encore pour des raisons de même ordre que les plantes sont plus terreuses (= plus ligneuses), plus âpres, plus semblables à la roche dans les pays du nord que dans les pays du sud, et sur les sommets exposés aux vents que dans les vallées abritées. Le froid et le dessèchement font cette différence.

« L’âge, en laissant éteindre la chaleur du corps, agit comme le froid ; il le dessèche et le rend plus terreux (Gen., V, 50.) ; la peau devient plus rude, plus épaisse, ainsi que les poils[2], les plumes,

  1. La chaleur dessèche par elle-même, le froid dessèche parce qu’il épaissit (comme lie montre son action sur l’huile, sur l’eau, etc.).
  2. En ce qui concerne les poils tout au moins, l’assertion est assez peu exacte ; le plus souvent les bulbes pileux se réduisent avant de disparaître, Tout