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delbœuf. — origine de la vie et de la mort

oxygène, rien ou presque rien (puisqu’il existe des anaérobies) ne peut vivre, ni plantes, ni infusoires, ni ferments. La combustion non seulement fait aller la machine, mais de plus, cette machine ne se conserve qu’à la condition de marcher sans jamais s’arrêter un seul instant.

Ensuite, il y a dans les phénomènes vitaux de la nutrition, outre l’aspect chimique, un aspect psychique que les physiologistes sont trop portés à négliger. Est-ce que la lampe qui se consume va chercher elle-même l’huile qui doit l’alimenter ? La locomotive réclame-t-elle du charbon et de l’eau lorsque sa chaudière est vide et son foyer éteint ? La lutte chez le corps vivant suppose donc un besoin, puis la sensation de ce besoin, en d’autres termes un désir, enfin la possibilité de satisfaire ce désir, c’est-à-dire la volonté et la puissance. C’est à ces conditions seules que l’on peut s’expliquer l’échange incessant entre l’organisme et l’extérieur, la transformation du mort en vivant. À côté du phénomène physique de la destruction, il y a donc — il ne faut pas l’oublier — des phénomènes psychiques de sensibilité et de motilité qui résultent de cette destruction même, et qui en sont la compensation.

Enfin cette conception de l’organisme ne s’applique qu’à l’adulte. Or, comme on le sait, avant la période de complet épanouissement, il y en a deux autres. Il y a, d’abord, la période embryonnaire, qui, pour un grand nombre d’espèces, sinon pour toutes, peut se prolonger, pour ainsi dire, indéfiniment, — on a fait germer des graines recueillies dans les tombeaux des Pharaons. Vient ensuite la période de croissance, pendant laquelle le germe emmagasine en lui de la matière, parce qu’il en absorbe plus qu’il n’en rejette. Quant à l’âge adulte, c’est à peine s’il dure. Car immédiatement, on peut le dire, après la croissance, dans beaucoup d’espèces (chez les insectes notamment) survient la mort ou, tout au moins, le déclin.

Bornons là nos restrictions et cherchons à nous rendre un compte exact de l’échange incessant qui se fait entre l’individu adulte et le monde extérieur.

Simplifions. Réduisons tous les phénomènes vitaux au mouvement spontané. Au surplus, dans les êtres les plus rudimentaires, c’est par le mouvement seul que nous devinons la vie. Détachons par la pensée chez l’animal que nous considérons, un filament motile, musculaire si l’on veut, c’est-à-dire doué de la faculté de se contracter quand on l’excite.

Tant qu’il n’est pas excité, le filament conserve, au moins pendant quelque temps, sa propriété ; mais dès qu’il a dû se contracter, il l’a