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L. ARRÉAT. — un athée idéaliste

« des piqueurs d’assiette beaux-esprits ? » Si pourtant ce caractère de subjectivité est le plomb dans l’aile du pessimisme, comment une conception optimiste pourra-t-elle se soutenir ? Le Dr Duboc sent bien la difficulté, et il dégage d’abord l’expression de tout sens compromettant. Il ne prend pas optimisme au sens vulgaire du mot, au sens d’un contentement naïf. L’optimisme, pour lui, c’est la croyance au progrès, et rien de plus.

Cette croyance, il la fonde sur les faits du dedans, et non sur ceux du dehors, sur ce vouloir qui est au fond de l’effort, de la réponse à la sensation, et qui veut le mieux. Ce qui a un sens est ce qui s’ajuste à notre raison, qui peut être, qui doit être ; le non-sens est ce qui contredit le but de notre effort. Je peux me tromper, vouloir quelque chose qui ne réponde pas à mon but, et mon voisin m’en reprendra. Mais personne ne peut trouver à reprendre à ce qui est voulu par tous, et ce que notre volonté certainement veut toujours, c’est la diminution de notre mal et l’augmentation de notre bien. S’il nous arrive, par lassitude, de désirer le non-être, c’est encore sous la couleur du mieux être.

Voilà le fait. L’effort constant vers le mieux prouve ce mieux, prouve l’existence du bien total, moral et matériel. Encore faut-il prouver la moralité de l’effort, la bonté foncière de la volonté, que semble compromettre le plaisir du dommage et de la haine. Le plaisir, dit l’auteur, ne provient pas du dommage causé, mais d’actions à côté, si tant est qu’il y ait plaisir. Le bien d’un autre nous semble être un excès de fortune plutôt qu’un vol fait à nous-mêmes, le dommage de l’homme heureux nous apparaît comme un correctif et c’est le sentiment de la justice distributive qui se cache ici sous l’égoïsme. Dans les cas où le succès d’autrui entraîne pour nous une sorte de déconsidération, son dommage devient au contraire une restauration de notre propre personne. À cette fine remarque, vous reconnaissez le tact du moraliste. Non moins ingénieusement, l’auteur observe que la joie est étrangère à la haine, que le méchant haït le bien comme son contraire, et la joie dont il se sent incapable, et il eut pu rappeler cette parole terrible de l’Iago de Shakspeare : « Si Cassio survit, il a dans +a vie une beauté quotidienne qui me rend laid. » Quant à la cruauté, elle est un fait pathologique. L’homme ne tire donc pas sa joie du mal vouloir, la nature humaine est disposée au bon vouloir, au bien-être pris dans le sens le plus large, et la méchanceté, ou l’erreur, est purement négative. Cela assure un solide fondement à la morale eudémoniste, et l’effort garde cette intégrité idéale qui est requise pour en pouvoir faire la base de l’optimisme. L’homme tend, non seulement au mieux, mais au meilleur ; il veut s’élever au-des-