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L. ARRÉAT. — un athée idéaliste

réflexion qu’il fait de ne pas blesser cet ami, le meilleur de tous, est une force qui lutte contre l’égoïsme,

Le courage du martyr nous est encore un bel exemple. Une conviction, il est vrai, est une sorte de propriété personnelle qu’on défend. Mais si le sacrifice dépasse de beaucoup Id valeur de la chose, il faut, pour y demeurer fidèle, que la conviction ne soit pas seulement affaire de la raison, mais à la fois de la raison et du sentiment, qu’elle soit l’affirmation de la personne entière, au point de provoquer un dégoût invincible pour la négation. Et c’est la vertu du mode religieux de penser, et du plus absurde même, de discipliner tout notre être, de le teindre de sa couleur, de façonner l’homme, en un mot, d’une coulée. Ce profit, hélas ! nous est refusé, à nous qui sommes « entre deux mondes » ; nous ne saurions, avec les éléments hétérogènes que la foi et la science nous offrent, produire une conception du monde qui enchaîne à la fois notre esprit et notre cœur, et cette question très sérieuse se pose donc, à savoir si nous ne sommes pas coupables d’abandonner l’enfant à l’enseignement chrétien et de le remplir de respect et d’ardeur pour des représentations qui sembleront ridicules à l’homme fait.

Plus haut l’auteur, qui touche ici à la question de Dieu dans l’école, envisageait pratiquement la question de la femme. La femme est à ses yeux comme la jeunesse de l’espèce humaine. Et bien fous ceux-là, disait-il en sa psychologie de l’amour, qui la voudraient appeler à l’exercice des droits politiques et lui ouvrir les carrières intellectuelles jusqu’ici réservées à l’homme ! Laissons la femme être femme, dirigeons-la vers sa fonction spéciale, qui est de nourrir et élever l’enfant, le germe humain. Cette opinion est de bon sens à l’égard des rêveurs qui, pour effacer les différences profondes des deux sexes, gâtent également l’un et l’autre. La nécessité pourtant d’élever l’enfant de la manière que nous l’entendons complique le rôle de la femme en notre société, nous l’avons associée à nos luttes, et force nous est de souffler un peu d’air froid sur cette tiède poésie de l’éternel féminin, où il est si doux de respirer.

Ôter Dieu de l’éducation, interroge le philosophe, est-ce donc attenter à l’enfance ? Trop disposé est l’enfant à réaliser poétiquement le non-réel, pour qu’il y ait danger d’appauvrir son imagination en le privant de nos vieux contes de fées. Et si la représentation de Dieu semble irremplaçable pour agir sur son sentiment, c’est que l’on ne se met pas au vrai point de vue de ce petit sans-souci, nullement préoccupé de devoir, de reconnaissance. Nos leçons dogmatiques, on en a plus d’un exemple, risquent de le noyer dans une sotte métaphysique enfantine, et en quel péril ne sera-t-il pas de douter de la di-