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L. ARRÉAT. — un athée idéaliste

bach. L’ennemi était donc là, contre qui il devait lutter ; il fallait opposer, en lui donnant une base solide et un contour précis, l’optimisme au pessimisme, et la qualification qu’il jugerait à bon droit lui appartenir serait celle de « philosophe de l’optimisme », étant le premier qui ait tenté, dit-il, de le conformer aux exigences de la science.

Son principal ouvrage, en effet, est celui ayant pour titre : L’optimisme comme vue du monde, et sa signification religieuse et morale pour le temps présent[1]. Ses deux autres grands ouvrages, la Psychologie de l’amour et la Vie sans Dieu, conduisent à celui-là, dans l’ordre de la pensée aussi bien que dans l’ordre de la publication. J’en ai dit assez pour établir le siège de l’auteur. Ouvrons maintenant sa Psychologie de l’amour, son premier livre. Sa manière s’y révélera tout de suite, et la briève analyse que j’en vais faire nous préparera à mieux entendre sa conception originale de l’optimisme.

I

Aux critiques non confiants en l’efficacité de la méthode descriptive pour atteindre aux caractères vraiment profonds et généraux de l’amour, l’auteur répond qu’il procède à la manière du naturaliste et n’a pas moins de chance de réussir. À ceux qui préféreraient étudier l’amour dans les expressions de ce sentiment à travers les races et l’histoire, il objecte que ce serait faire une simple ethnographie de l’amour et manquer d’en voir le fond. Il y aurait peut-être cette réserve à faire, pour le premier cas, que l’étude d’une passion laisse plus de marge à la fantaisie du psychologue que l’étude d’un genre de plante n’en peut laisser à la fantaisie du botaniste, et, pour le second cas, l’amour, que sous la forme où les plus anciens poètes nous le peignent, est déjà une passion travaillée et qui a reçu le coup de lime. Du reste je ne vois nul inconvénient à accorder aux poètes la qualité de « vrais psychologues, révélateurs de l’amour », et le sentiment de l’amour, j’en demeure d’accord, dès qu’il émerge de l’appétition tout animale, emporte le désir d’une perfection à laquelle il

  1. Der Optimismus als Welianschauung und seine religiös-ethische Bedeutung für die Gegenwart. Bonn, E. Strauss, 1881. — Les autres ouvrages du Dr D. que j’ai sous les yeux sont : Die Psychologie der Liebe, Hamburg, H. Grüning, 1883, 2e édition. — Das Leben ohne Gott, Untersuchungen über den ethischen Gehalt des Atheismus, Hamburg, Grüning, 1883, 2e édit., et deux volumes composés d’articles divers, sous les titres de Gegen den Strom, Hannover, c. Rümpler, 1877, et Reben und Ranken, Halle, H. Gesenius, 1879. L’auteur a publié aussi une histoire de la presse anglaise et quelques brochures.