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delbœuf. — origine de la vie et de la mort

qu’ils mangent et transforment continuellement à leur usage, est donc un aliment. Quant aux vertébrés, ils doivent, pendant le temps de leur croissance, consommer une certaine quantité de phosphate de chaux pour édifier leur squelette. Mais, dans la supposition que ce squelette, comme l’hélice du colimaçon, n’eût pas besoin d’être renouvelé, pourrait-on dire, si leur alimentation restait la même, que le phosphore et la chaux seraient encore pour eux des aliments ? Non évidemment, bien que ces corps puissent continuer — par un reste d’habitude, — à être travaillés par l’organisme. Ce serait, dans cette supposition, un aliment de luxe.

Nous voilà fixés maintenant sur les conditions requises pour qu’une substance reçoive le nom d’aliment. Il y en a deux : il faut qu’elle soit transformable, et que la transformation ait pour effet d’entretenir la vie de l’individu, en un mot, de satisfaire à ses propres besoins. L’oxygène est donc un aliment. Et quant à l’eau et aux sels inorganiques, ils ne sont aliments que s’ils entrent dans des combinaisons, ou en tant que leur action rend possibles des combinaisons et des transformations nécessaires qui ne se feraient pas sans eux.

Arrivé à ce point, il nous est possible de définir l’aliment dans son essence. L’aliment est une substance qui, introduite dans l’organisme, se divise en deux parts : l’une plus instable, celle qui est assimilée ; l’autre plus stable, dont une partie est déposée (par exemple, dans les coquilles, les téguments ou le squelette), et dont l’autre partie est éliminée.

L’aliment, c’est de l’énergie en puissance ; mais cette énergie est susceptible de se transporter presque tout entière sur certains produits de la réaction, de sorte que les autres produits en sont relativement presque dépourvus. C’est par là que la nutrition transforme le plus stable en moins stable, le mort en vivant. Cette définition de l’aliment va se fortifier et s’éclairer par la suite de notre étude.

D’une manière générale, l’énergie du soleil doit se présenter à chaque être vivant sous une forme assimilable. L’assimilabitité, si l’on peut employer ce mot, est donc une dernière condition pour qu’une substance, même instable, soit un aliment. Cette condition est spécifique, en ce sens qu’elle varie avec l’espèce. Ce qui convient à la plante ne convient pas au bœuf ni au tigre, à l’abeille ou à la sangsue. Certes, assimilabilité n’est qu’un mot, et les scholastiques auraient pu l’inventer — s’ils ne l’ont pas fait. Mais, ne l’oublions pas, c’est par la scholastique qu’a dû passer la pensée humaine pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui.

L’assimilabilité se perd par le travail vital les excrétions et les excré-