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c’est de réprimer les mouvements qui l’expriment. Restez, au contraire, une journée dans une attitude mélancolique et vous deviendrez triste. M. James ne voit que des exceptions apparentes à sa règle dans les cas où le libre cours donné à l’expression d’une émotion la diminue : par exemple l’effusion des larmes qui calme une douleur,

L’un des meilleurs arguments de la priorité des symptômes physiques sur l’émotion sentie se tire des cas pathologiques. Dans tous les asiles il y a des malades chez qui la mélancolie, la peur, la douleur, est sans motif aucun et ne peut venir que d’un état de l’organisme. Ce qui corrobore encore cette hypothèse, c’est qu’elle se réalise beaucoup plus dans les émotions intimement liées à l’organisme que dans celles qui sont d’une nature intellectuelle : cependant, même pour celles-ci, il doit exister quelque accompagnement corporel. Chez le critique consommé, cette émotion intellectuelle diminue de plus en plus, l’état mental devient un jugement, un acte de connaissance. Là, où un profane se sentira profondément ému, un homme d’un goût consommé dira : « Pas si mal ». Pour Chopin, l’éloge superlatif d’un nouveau morceau de musique était : « Rien ne me choque ».

Si donc on admet que la couche corticale contient des centres pour les changements qui se produisent dans chaque sens ; chaque viscère, chaque articulation, etc., nous avons tout ce qui est nécessaire pour nous représenter le processus complet de toutes les émotions. Il faut reconnaître qu’une expérience cruciale est aussi difficile à trouver en faveur de cette hypothèse que contre elle. Un cas d’anesthésie complète, externe et interne, sans troubles moteurs et intellectuels, sans rien autre que de l’apathie serait une forte présomption en sa faveur. Mais les anesthésies hystériques semblent n’être jamais complètes et celles qui proviennent d’une maladie organique sont excessivement rares. L’auteur après avoir cité quelques cas, conclut en désirant qu’on étudie méthodiquement les rapports entre l’anesthésie et l’apathie émotionnelle,

A. Binet. La rectification des illusions par l’appel aux sens. L’illusion peut être définie une représentation inexacte d’un phénomène extérieur, ou une synthèse mal faite, ou (si l’on considère la perception exacte comme le résultat d’une inférence) un raisonnement faux. Mais la correction d’une illusion par l’appel aux sens ne peut mettre en conflit deux sens différents ; le combat s’engage entre un sens et une opération de l’esprit. L’état de conscience corrigé et l’état de conscience correcteur appartiennent toujours au même organe sensoriel. — Quels sont la nature et le mécanisme de la rectification ? L’auteur trouve une analogie entre l’action d’arrêt d’une sensation sur le développement d’une représentation mentale et le pouvoir d’arrêt d’une volition sur une autre, telle que M. Ribot l’a exposé dans ses Maladies de la volonté. Ce pouvoir d’arrêt, de rectification est un appareil de perfectionnement surajouté. Dans les natures primitives (sauvages, enfants), il y a un besoin irrésistible de croire qui est corrélatif au besoin d’agir. Quant au mécanisme qui produit cet arrêt, la physiologie ne donne encore que des éclaircisse-