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ANALYSES.r. koeber. Le système de E. de Hartmann.

Dr Raphaël Koeber. — Das philosophische system Eduard von Hartmann’s (Le système philosophique de E. de Hartmann). — Breslau. W. Koebner, 1884, — in-8o x-402 p.

M. R. Koeber a accompli l’œuvre laborieuse et très méritante de résumer en un volume la doctrine de M. de Hartmann, en la retirant, d’une main discrète, des écrits déjà nombreux du philosophe berlinois. Car M. de Hartmann, qui est à peine âgé de quarante-trois ans, et qu’une grave et persistante maladie a forcé, dès l’âge de vingt et un ans, d’abandonner la carrière militaire qu’il avait choisie, n’a pas publié jusqu’à ce jour moins d’une quinzaine d’ouvrages grands ou petits. M. Koeber nous donne, en son chapitre 5, une brève caractéristique de ces publications ; puis il en distribue l’abondante matière en trois groupes, afférant, 1o à la méthodologie et à la théorie de la connaissance,  2o à la philosophie de la nature, 3o à la philosophie de l’esprit, et les quatorze derniers chapitres de son livre se trouvent ordonnés d’après cette division générale. Les quatre premiers contiennent une esquisse de l’histoire de la philosophie depuis Leibniz, esquisse dont M. de Hartmann à fourni lui-même le modèle, et où nous voyons Hegel, Schelling, Schopenhauer présentés comme « les trois ruisseaux qui ont formé le grand fleuve » ou, peu s’en faut, comme les saint Jean qui ont donné le baptême logique au nouveau messie.

M. de Hartmann, en effet, avec sa doctrine de la misère et de la libération du monde, s’il n’est pas le messie qui seul délivre, est au moins le prophète qui nous appelle à la délivrance, et M. Koeber l’accepte très franchement avec ce grand caractère. Il est un croyant de ce maître qui est vraiment, dit-il, un philosophe par la grâce de Dieu, et son dessein a été plutôt de nous amener à lire l’œuvre directe du philosophe que de nous en dispenser. M. de Hartmann lui paraît être le seul, parmi les philosophes vivants, qui ait tenté de parcourir tous les domaines de la conscience humaine et de répondre à toutes les questions de la vie moderne, le seul qui ait su pénétrer dans les profondeurs de notre âme, formuler les pensées et les désirs secrets de l’homme d’aujourd’hui, et ses écrits lui semblent être une des plus bienfaisantes apparitions dans la littérature scientifique du temps présent.

Il a été rendu compte, dans la Revue Philosophique, de tous les ouvrages de M. de Hartmann, et je n’ai pas à en reprendre la critique, Une page où M. Koeber exprime ses idées personnelles sur la musique me fournira pourtant le sujet d’une courte digression.

On se rappelle que M. Bain a établi sa gradation dans les arts sur la dépense intellectuelle qui est exigée pour l’accomplissement de l’inspiration, principe de classement dont la valeur est incontestable, et qui laisse néanmoins à chercher pourquoi la musique, qui arrive en queue à y considérer l’emploi de la « similarité intellectuelle », est cependant l’art dont l’impression sur la majorité des hommes est la plus puissante, M. de Hartmann établit, lui, la gradation, selon que l’art éveille dans notre conscience avec plus de plénitude le sentiment du contenu méta-