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ANALYSES.ch. dunan. Essai sur les formes a priori, etc.

mettre de la partie. M. Ott a essayé de prouver que les idéalistes et les criticistes ne sont pas conséquents avec eux-mêmes. Nous n’estimons pas qu’il y ait réussi. Y fût-il parvenu, il resterait à voir si, du dogmatisme lui-même, tel qu’il l’entend, on ne peut, en raisonnant d’une certaine manière, faire sortir le scepticisme. La tentative a été faite plus d’une fois, non sans quelque succès. Il faudrait bien, à notre avis, laisser de côté le spectre du scepticisme. Il n’est plus permis de dire avec Royer-Collard : « On ne fait pas au scepticisme sa part, » Il faut au contraire la lui faire, et bannir les vaines terreurs. Il y a quelque chose de plus dangereux, et qui avance les affaires du scepticisme bien plus que l’idéalisme et le criticisme : c’est le dogmatisme excessif. Pascal avait bien raison de dire : « Rien ne fortifie plus le pyrrhonisme que ce qu’il y en a qui ne sont pas pyrrhoniens ; si tous l’étaient, ils auraient tort. »

Victor Brochard.

Charles Dunan. — Essai sur les formes a priori de la sensibilité. Paris, Félix Alcan, 1 vol.  in-8o, 227 p..

La thèse de M. Ch. Dunan, consacrée à l’étude du temps et de l’espace, formes à priori de la sensibilité, a un caractère psychologique et surtout métaphysique. C’est un travail sérieux et très distingué : sur un sujet en apparence rebattu, M. Dunan a su trouver des choses nouvelles, des idées très personnelles faire preuve d’une grande vigueur d’esprit. C’est l’œuvre d’un chercheur qui ne se contente pas aisément, pour se satisfaire lui-même, des solutions acceptées, et ne subit jamais l’ascendant même des plus grands noms. Enfin c’est une œuvre fort dogmatique et l’on songe involontairement après l’avoir lue, ainsi que plusieurs thèses métaphysiques présentées récemment à la Sorbonne, au mot de Fontenelle : « Je suis effrayé de l’horrible certitude que je trouve maintenant partout ! » Il est digne de remarque que c’est au moment où la métaphysique est le plus ébranlée qu’elle est aussi le plus consciencieusement défendue ; on n’a jamais été idéaliste d’une manière plus déterminée et plus quintessenciée. La chose en soi, le génie dans l’art, le temps et l’espace semblent n’avoir jamais eu tant d’attraits pour les intelligences philosophiques. On a pris fort au sérieux le mot d’Aug. Comte : « le pur empirisme est stérile ; » et on pourrait même regretter que la philosophie de l’évolution n’ait-inspiré jusqu’ici, en dépit de la tolérance bien connue et de l’esprit éminemment libéral du jury, qu’un bien petit nombre de thèses, Nous ne discuterons pas les idées de M. Ch. Dunan, nous nous contenterons de les exposer : la discussion en matière de métaphysique, se réduit presque toujours à opposer ses propres idées à celles de son adversaire. La théorie de la sensibilité comprend deux parties (p. 5) : 1o Le temps et l’espace existent-ils ou non absolument et en soi ? 2o Le temps et l’espace, en supposant qu’ils n’aient point d’existence absolue, sont-ils ou ne sont-ils pas des formes que l’esprit