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ANALYSES.a. ott. Critique de l’idéalisme et du criticisme.

Ce qui est vrai des sensations l’est aussi, suivant M. Ott, des idées premières, que d’autres ont appelées catégories, telles que temps, espace, substance et cause. Ces idées ne viennent pas de la sensation proprement dite, mais de la raison. Elles ne sont ni des idées innées, ni des formes de l’intelligence ; elles proviennent « d’intuitions et de perceptions objectives auxquelles nul esprit ne saurait se soustraire » (p. 16). Ce que la raison perçoit existe réellement hors de nous : en le connaissant, c’est bien une chose que la raison saisit, qu’elle comprend. Mais ici encore la connaissance est relative ; le sujet est pour quelque chose dans l’idée qu’il se fait de la réalité. Les choses qui sont, et que nous nous représentons comme temps, espace, substance et cause, ne ressemblent pas aux perceptions que nous en avons ; elles ne sont en réalité ni temps, ni espace, ni cause, ni substance. Seulement, pour ne leur être pas semblables, les idées que nous en avons n’en sont pas moins, comme tout à l’heure les sensations, des signes très fidèles, puisque elles n’apparaissent en nos esprits que là où sont les réalités, d’ailleurs inconnues, qu’elles expriment. Il est vrai que M. Ott fait exception pour certaines idées, telles que être, unité, identité, différence, « qui ont réellement un caractère absolu » (p. 19), sans que pourtant ce caractère préjudicie en rien à la relativité générale de nos connaissances, car les idées qui le présentent n’ont d’autre office que de former les termes premiers des rapports que seuls il nous importe de connaître, Ces notions, bien différentes de celles qui ont pour objet des noumènes en partie inconnaissables, comme le temps et la cause, « atteignent la réalité des choses, et, à leur égard, la distinction du phénomène et du noumène devient superflue. Elles nous permettent à l’égard des choses, des affirmations absolues, d’une vérité telle que leur négation équivaudrait à la négation de notre intelligence même, et ferait sombrer dans le même abîme notre connaissance et sa relativité. » (p. 101). Nous ne parvenons pas à bien comprendre comment ces assertions se concilient avec le principe de la relativité de nos connaissances, même dans le sens restreint et, à notre avis, insuffisant, que M. Ott lui attribue.

Entre la connaissance sensible et la connaissance rationnelle, dont on vient de voir les analogies, il y a pourtant une différence. Dans le premier cas, nous pouvons, grâce aux progrès de la science, arriver à connaître la réalité à laquelle correspondent les sensations. Au contraire, quand il s’agit des idées de la raison, nous ne pouvons dépasser l’intuition que nous en avons ; ainsi nous connaissons des figures et des situations, mais nous ne pouvons jamais atteindre l’absolu que représente notre notion d’espace, et pas davantage les absolus ou les noumènes qu’expriment nos idées de temps, de cause et de substance. C’est la limite de la connaissance (p. 18).

Il faut convenir que cette théorie de M. Ott a le mérite de simplifier bien des problèmes. Cependant, sans parler des difficultés si souvent signalées que présente la conception des choses en soi, difficultés aux-