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ques combinées de l’idéalisme et du criticisme les idées fondamentales de la raison commune : il s’occupe successivement du caractère objectif et de la relativité de nos connaissances, de l’espace et du temps, de la substance et de la qualité, de la relation de cause à effet. Dans la seconde, il se propose de scruter les conclusions dogmatiques où bon gré mal gré l’idéalisme et le criticisme sont obligés d’aboutir ; les questions traitées sont les suivantes : la pluralité des personnes humaines, les lois du monde extérieur, la théorie de l’association des idées, les hypothèses criticistes sur l’ordre universel, et les croyances de M. Renouvier.

Il ne saurait être question de passer ici en revue toutes les objections, souvent ingénieuses, quelquefois profondes, toujours suggestives que M. Ott adresse aux théories qu’il combat. Encore moins pouvons-nous les discuter. Nous n’avons ni à nous constituer l’avocat d’office de Stuart Mill, ni à prendre la défense de M. Renouvier, fort capable, comme on sait, de se défendre lui-même, quand il juge que c’est utile, et que nous craindrions de mal défendre. Il vaudra mieux, croyons-nous, nous en tenir à l’essentiel, c’est-à-dire essayer de dégager l’idée maîtresse dont s’inspire le livre tout entier, la théorie de la connaissance au nom de laquelle sont jugées et condamnées, les doctrines adverses. Toutes les objections partent de cette source. “Nous ne donnerons ainsi ni une idée complète, ni même une idée suffisante de l’ouvrage considérable de M. Ott ; toute notre ambition est d’en donner une idée exacte. Cette doctrine soulève à son tour certaines difficultés ; nous indiquerons brièvement les principales.

La théorie de M. Ott est que, dans la sensation, nous percevons, outre la manière dont nous sommes affectés, outre l’état de conscience qui est en nous, quelque chose qui est en dehors de nous, un objet, sans lequel la sensation n’aurait pas lieu. Le sujet et l’objet sont donnés ensemble ; l’analyse seule les distingue. Il est vrai que cet objet, la perception nous apprend seulement qu’il existe ; elle ne nous fait rien connaître de ce qu’il est ; même nous savons qu’il ne ressemble pas à la sensation qu’il provoque. « Rien ne ressemble moins à la sensation d’un son qu’une certaine vibration de l’air, à la perception de la couleur que les ondes de l’éther qui la produisent, au sentiment du chaud et du froid que les mouvements moléculaires des corps » (p. 13). Mais, par divers procédés intellectuels, nous constatons des rapports directs entre les variations des sensations et celles des vibrations, et des premières, nous pouvons conclure aux secondes. Les sensations sont des signes, mais des signes naturels. « La sensation ne fournit que des indices, mais ces indices sont sûrs, et conduisent à la connaissance de l’objet » (p. 15). Par là, M. Ott demeure fidèle à la doctrine de la relativité de la connaissance, entendue en ce sens que toute connaissance est un rapport entre le sujet et l’objet. L’objet ne nous apparaît pas tel qu’il est, mais il est ; et il est donné comme un des termes irréductibles du rapport qui est la connaissance.