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nomie et se comprend sans celle-ci, ou bien parce qu’après la première vient la seconde[1] ». M. Allievo ajoute avec raison que c’est là nier la suprême loi de l’enseignement, la gradation. Le simple, le connu, le facile, le peu, le moins, pour l’enfant comme pour l’homme ignorant, c’est le concret, et non l’abstrait. Le point d’arrivée est celui-ci, le point de départ est celui-là. Ce défaut capital de la pédagogie de Comte, mais qu’il ne faudrait pas grossir plus que de raison, vient évidemment, comme le lui a reproché Stuart Mill, de ce que ce grand penseur n’a pas assez compris l’importance de la psychologie, même subordonnée à la physiologie. Pour M. Allievo, « la réforme-pédagogique tentée par Comte impliquerait une réforme radicale de la nature de l’esprit ; mais on ne refait pas la nature, on la reconnaît et on la respecte ». Un autre vice pédagogique du système, et M. Allievo ne l’a pas remarqué, c’est que, pour le suivre, on ne pourrait commencer l’étude d’une matière avant d’avoir épuisé celle qui la précède dans la série, ce qui est en contradiction avec l’expérience la plus vulgaire[2].

B. Perez.
(À suivre.)

  1. Allievo, p. 258-255.
  2. En effet, le principe qui tend à prévaloir, en pédagogie, c’est, avec la plus large extension, la plus juste proportion possible du programme. Progression, proportion, méthode appropriée, voilà trois maîtresses raisons qui justifieront toujours, pour tous les âges, et pour les deux sexes, l’étendue d’un programme. La seule limite, en aucun cas, ne peut être que la capacité actuelle du sujet d’éducation. Autrement, qui oserait déterminer le point précis où s’arrêtent les connaissances nécessaires à la vie ? La doctrine que je défends ici, encore une fois, n’est pas celle de M. Camille Sée, l’illustre promoteur de la loi sur l’enseignement secondaire des jeunes filles. Je regrette sincèrement de ne pouvoir apprécier en détail la remarquable préface qu’il vient d’écrire pour un livre d’ailleurs très intéressant en lui-même. (Documents, rapports et discours, relatifs à la loi sur l’enseignement secondaire des jeunes filles, L. Cerf, édit, 1884.) Je me borne à relever, avec toute la déférence due à la haute compétence de l’auteur, le seul point où je n’ai pas le plaisir d’être d’accord avec lui : il s’agit du reproche fait au conseil supérieur d’avoir exagéré l’étendue du programme. Quelque valeur qu’aient les arguments de M. Sée, je ne trouve pas ce programme trop chargé : je proposerais même d’y faire quelques additions, notamment celle de la pédagogie, science d’une utilité notoire pour les futures mères et éducatrices.