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trice. Ces lois générales une fois établies, Rayneri, préoccupé comme son maître, de l’idée d’une loi suprême, pose comme telle la loi de convenance et lui subordonne les cinq autres.

Une brochure de M. Billia nous édifie sur cette métaphysique de l’éducation, plus attrayante pour lui que pour nous[1]. Après avoir discuté les raisons et les exemples sur lesquels Rayneri s’appuyait pour substituer sa loi suprême à celle de Rosmini, il s’attache lui-même à montrer que la découverte de la loi de convenance, avant de devenir une vérité scientifique, était un axiome de sens commun. La convenance est le criterium employé par tout homme jugeant de ce qui se rapporte à l’éducation. « Voilà, dit-on, qui n’est pas bien approprié ; ces leçons ne sont pas faites pour ces jeunes gens ; il faut connaître l’esprit et le caractère des enfants, et savoir les prendre par leurs bons côtés. » Qu’il faille opérer avec gradation pour obtenir la conformité nécessaire de l’éducation avec ses fins, c’est ce que plusieurs voient, mais pas tout le monde : cela exige un certain progrès dans la réflexion scientifique. Mais nul n’ignore que l’éducation doit être conforme, doit convenir à la nature et à la fin de l’élève. Rosmini lui-même, et M. Billia le prouve, a proclamé dans toute son œuvre, presque à son insu, l’excellence de la loi de convenance, et il semble que la suprématie en soit pour lui implicitement supposée.

Selon l’habitude persistante de ses compatriotes, qui confondent volontiers les mots positif et positiviste, M. Allievo, esprit sérieux, mais trop prévenu contre la pensée contemporaine, entre en campagne contre le Positivisme en soi et dans l’ordre pédagogique, et rompt des lances sur le dos de Comte, de Stuart Mill, de Darwin, de Spencer et de Bain. Ces philosophes ne s’en porteront pas plus mal. La seconde partie du livre, relative à la pédagogie de Comte, de Spencer et de Bain, dénote pourtant chez notre critique idéaliste une vraie compétence pédagogique. L’espace me faisant défaut pour analyser en entier cette triple étude, je me bornerai à indiquer dans ses traits essentiels la monographie consacrée à Comte pédagogue. Mais, auparavant, se présente une question : avons-nous le droit de ranger ce philosophe parmi les écrivains pédagogiques ? Où sont ses titres, et quels sont-ils ?

M. de Dominicis, dans une récente brochure[2] où il discute avec courtoisie quelques-uns de mes jugements sur la philosophie et la pédagogie d’Auguste Comte, donne une réponse affirmative à la première de ces questions. Seulement il fait la part pédagogique d’Auguste Comte, ce grand philosophe ayant négligé, assure-t-il, de se la faire lui-même. Il n’admet pas qu’on ait le droit d’ériger en pédagogie comtienne la fameuse classification des sciences : il l’adopte pourtant comme base de la didactique positiviste. Il fait honneur à Auguste Comte d’avoir permis de donner à la pédagogie, comme aux autres

  1. Studi sul Rosmini et sul Rayneri.
  2. Il concetto pedagogico di Augusto Comte, Palerme, 1884, in-8o, 17 pages.