Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 18.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
revue philosophique

D’abord il n’est pas fait mention de l’oxygène de l’air atmosphérique. Un homme inspire par jour environ dix mètres cubes d’air atmosphérique, et des deux mètres cubes d’oxygène que cet air contient, les trois quarts sont exhalés sans altération, l’autre quart presque tout entier sous forme d’anhydride carbonique[1]. Ce demi-mètre cube d’oxygène est indispensable à la vie, pénètre dans tous les tissus, et en sort sous forme d’une combinaison désormais impropre à la vie. Envisagé de ce point de vue, on pourrait dire qu’il est l’aliment par excellence ; en. tout cas c’est un véritable aliment, et um aliment d’une importance considérable, puisque nous en consommons près de 750 grammes par jour.

Remarquons ensuite que les aliments, y compris l’oxygène, subis sent dans le corps une altération, et que les pertes de l’organisme ne seraient pas compensées parce que l’on réintroduirait dans les appareils digestif et respiratoire les substances à l’état où elles en sortent. Pourquoi ? parce que sous cette forme, elles ne sont plus nutritives, ou, pour employer un autre mot, assimilables.

Une exception doit être faite néanmoins, et c’est là une dernière réflexion. L’eau et les sels inorganiques sont éliminés en nature, et on pourrait les extraire sans peine de l’ensemble de nos sécrétions tandis qu’on ne pourrait en retirer ni l’albumine, ni la fécule — actuellement du moins — et, dans tous les cas, sans un travail chimique considérable.

Concluons. Pour agir comme aliments ; le carbone et l’azote, une partie de l’hydrogène et de l’oxygène doivent être introduits dans l’organisme sous une certaine forme qu’ils dépouillent avant d’en ressortir sous une autre forme.

Or, en tant que les molécules de l’eau et des sels organiques ne se fixent pas dans l’organisme pour le soutenir, comme le phosphore et la chaux dans les os, ou le silex et le carbone dans les tiges des graminées, le tronc et les branches des arbres, ou n’y subissent pas de décomposition pour entrer comme éléments dans la constitution d’un tissu vivant et destructible, ce ne sont pas, ce semble, des aliments proprement dits ; mais, ou de simples véhicules, nécessaires sans aucun doute, — corpora non agunta nisi soluta — ou des auxiliaires, indispensables aussi, ayant pour mission, par exemple, d’empêcher certaines fermentations. C’est ainsi que : le sel conserve la viande.

  1. Je me sers indifféremment des expressions acide carbonique et anhydride carbonique, On appelle anhydrides les acides qui ne renferment pas les éléments de l’eau. L’acide carbonique CO2 est un anhydride.