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sociologie, en tant qu’elle étudie l’évolution des sociétés passées et l’état des sociétés actuelles qui en résulte. Par là sont déterminées les conditions précises où se meut l’’éducateur ; le présent n’est rien, nous ne faisons l’avenir qu’avec les possibilités que le passé nous lègue. »

La conception scientifique de la pédagogie a déjà fait de notables progrès en Italie. Elle y a eu pour premier interprète, et comme pour initiateur, M. Angiulli, dont le savant petit livre, La pédagogie, l’état et la famille, a été parfaitement analysé par M. Espinas dans son étude sur la Philosophie expérimentale en Italie. Selon M. Angiulli, « toutes les questions qui travaillent la société présente sont solidaires entre elles ; on ne peut résoudre les unes sans les autres les questions politique, économique, intellectuelle, morale et religieuse. Mais la reconstitution de l’organisme social dépend en dernière analyse de la reconstitution mentale de tous les individus qui le composent. » C’est là l’œuvre de l’éducation, qui sera tout ensemble physique, intellectuelle, morale, esthétique, économique, civile, politique. L’éducation est, comme l’a dit Littré, le grand champ de bataille de la civilisation. Est-ce à dire que la puissance transformatrice de l’éducation soit sans limites ? Non, elle en rencontre d’abord, d’insurmontables peut-être, dans la nature même de l’enfant, dans sa constitution héréditaire. Mais soit directement, par l’action réfléchie de l’individu sur ses imperfections de toutes sortes, et indirectement, par les soins que les parents, et surtout les femmes, mieux instruits et plus moraux, prendront de leur progéniture même avant la naissance, la science de l’éducation supprimera, compensera peu à peu les maux de l’hérédité par ses bienfaits mêmes. Voici, du reste, d’après ses propres expressions, quelle fin M. Angiulli assigne à l’éducation, et comment il établit les bases de l’éducation selon la science.

« Le but de l’instruction est de faire entrer toutes les classes de la société dans le courant de la civilisation, de rendre tous les citoyens facteurs du progrès national, de fournir à tous les individus les moyens les plus indispensables pour préserver et améliorer leur existence au sein de la nature, de la famille et de la société. Or les moyens qui peuvent mettre l’homme en état de convertir les forces de la nature à sa propre utilité, de régler la vie de famille, et de participer et coopérer aux actions de l’organisme social et politique, sont donnés par les connaissances physiques, biologiques, morales et historiques ». L’éducation sera donc scientifique dans son contenu et ses procédés, comme dans ses fins et ses fondements. « La constitution scientifique de la pédagogie dépend des progrès récents de la biologie et de la sociologie, et tire ses derniers fondements de la doctrine de l’évolution cosmique. La biologie recompose l’unité inséparable de l’homme, et, ramenant les fonctions mentales sous la dépendance des conditions organiques, révèle les lois de l’éducation physique et leur importance pour l’éducation morale. Dans le champ de la psychologie, elle chasse