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Quelle science pourrait suppléer à la patience, à la vigilance, au tact, à l’autorité personnelle, à l’inspiration du cœur ? L’œuvre de l’éducation déborde toutes les théories… » La science et l’art le plus consommés seraient, en effet, impuissants à faire un éducateur de celui qui n’aurait pas ces qualités essentielles, ces grâces d’état. Mais la science, et surtout la science de l’éducation, avec l’expérience raisonnée, contribuent fort à développer ces dons précieux, si elles ne peuvent en masquer l’absence. Si, pour M. Marion, l’éducation est encore en ce moment un art plus qu’une science, il est si loin de penser que l’art est tout en éducation, et ne suppose aucune science ferme, qu’à la fonder il travaille de son mieux. Il s’exprime d’ailleurs très nettement, dans son discours, sur la possibilité de fonder une science éducative. Il y a « des principes à respecter, des lois à connaître, lois et principes que le génie devine, à la vérité, mais que le commun des hommes doit apprendre. » « La tentative de réduire l’art de l’éducation en règles scientifiques, déduites de la psychologie, est aujourd’hui aussi légitime, à peu de chose près, que celle de fonder scientifiquement la médecine sur l’exacte connaissance de l’organisme et de ses fonctions. La psychologie et toutes les sciences qui s’y rattachent ont tous les droits au titre de sciences positives, et elles peuvent fournir à la doctrine de l’éducation une base véritablement scientifique. »

C’est aussi d’une façon très large que M. Marion apprécie toutes les tentatives faites chez nous, depuis Jouffroy jusqu’à M. Th. Ribot, pour constituer la psychologie, première base de la pédagogie. « Considérer les faits de la vie consciente en eux-mêmes, comme tous les autres phénomènes naturels, c’est-à-dire indépendamment de leur essence dernière et de leur support métaphysique ; faire, par suite, de la psychologie une science d’observation à la manière des sciences physiques ; y introduire s’il se peut l’expérience et la mesure ; y faire des analyses de plus en plus minutieuses et des synthèses de plus en plus complètes ; à l’observation par la conscience, qui ne franchit pas les limites de la vie individuelle chez la personne adulte et cultivée, joindre tous les moyens indirects d’information, témoignages des historiens, récits des voyageurs, données de la linguistique, recherches des médecins sur les états morbides de la conscience, étude des phénomènes inconscients ou semi-conscients dans l’enfance, le sommeil, le rêve, statistique des phénomènes sociaux, comparaison de l’animal et de l’homme, de manière à embrasser autant qu’il se peut le développement psychique tout entier, depuis le sauvage jusqu’à Bossuet, depuis le premier éveil de la conscience individuelle dans le berceau de l’enfant jusqu’à l’épanouissement de la conscience collective dans une nation, voilà quel a été l’effort de la psychologie contemporaine, particulièrement sous l’influence des idées transformistes ».

Je ne veux pas trop presser les termes de cette déclaration, craignant de leur faire exprimer plus ou moins qu’ils ne disent. M. Marion n’ac-