Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 18.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
revue philosophique

à l’accroissement, à la réparation ou à l’entretien de l’organisme.

L’observation nous ayant fait connaître des animaux qui n’ont pas d’appareil digestif et se nourrissent par simple imbibition, force a bien été d’élargir quelque peu la définition, en supprimant l’incidente. Mais d’un autre côté, il faut |la restreindre. Il est des substances, en effet, qui ne sont pas des aliments ei qui provoquent le développement de certains organes. Pour ce motif il faut dire : l’accroissement normal et la réparation régulière de l’organisme.

Il ne faut pas pousser trop loin les exigences à l’endroit des définitions. La plupart du temps, elles ne peuvent être que des anticipations plus ou moins heureuses, ou de simples périphrases. Aussi bien ma critique a une autre visée. Elle tend à mettre en évidence le caractère général de l’aliment.

La définition qui précède n’est pas celle des physiologistes. Il est vrai que chacun d’eux a, pour ainsi dire, la sienne. « Les aliments, dit Brücke[1], sont inorganiques ou organiques. Les premiers nous servent comme éléments constitutifs de notre corps pour en construire certaines parties, et aussi pour remplacer ces substances inorganiques qui sont continuellement expulsées du corps par les reins… Quant aux aliments organiques, comme nous les dépensons, d’une part, à bâtir notre corps, d’autre part, à engendrer en les brûlant, mouvement et chaleur, on en a fait deux divisions : d’un côté, les albuminoïdes ou aliments dans le sens étroit du mot, de l’autre, les aliments respiratoires, hydrates de carbone et graisses. Cette distinction n’est pas absolument rigoureuse, etc. »

Notons en passant que le premier paragraphe, pris à la lettre, ne présente pas à l’esprit un sens satisfaisant ; on ne voit pas bien pourquoi il faut remplacer ce que le corps expulse. Il semble qu’on doive par là lui rendre un mauvais service et l’astreindre à une besogne inutile.

Munk[2] dit ceci : « Par aliment on entend une substance chimique nécessaire à la composition ou à l’entretion du corps. Les aliments sont : l’eau, les sels inorganiques, l’albumine, les hydrates de carbone et les graisses ; plus spécialement : la viande, les œufs, le pain, etc. »

Steiner[3] s’exprime comme suit : « Les gaz dont l’organisme s’empare ne sont pas autres que ceux du sang. En outre l’organisme, notamment par le canal digestif, ingère des éléments liquides et

  1. Vorlesungen über Physiologie, 1881, t.  I, p. 293.
  2. Physiologie der Menschen und der Süugethiere, 1881, p. 93.
  3. Grundriss der Physiologie, 1883, p. 196.