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delbœuf. — origine de la vie et de la mort

comment ce qui ne demande qu’à se séparer tient-il ensemble ? Quel lien peut les unir ? Ce lien semble doué de deux qualités opposées et contradictoires. Ne doit-il pas avoir beaucoup de force pour tenir enchaînés l’un à l’autre l’azote et le chlore ? d’un autre côté combien : il doit être faible, puisque le plus léger contact le déchire ou le brise ? Cette question, elle est posée. C’est aux physiciens à la résoudre, et j’y reviendrai. Mais quelque explication qu’ils nous réservent, une chose est certaine, c’est que tout corps vivant est composé d’instables que la sensation et le mouvement précipitent, en partie du moins, à l’état de stables. À son tour, la vie ne s’alimente que par le rétablissement dans l’organisme de ces mêmes instables. Le soin de cette restitution a été confié aux plantes, puis ; chez les animaux, à certains appareils que, pour cette raison, par une analogie naturelle quoique assez lointaine, on dit appartenir à la vie végétative. C’est de la nutrition chez les animaux qu’il nous reste à nous occuper.

II

Dans la nature que l’on qualifie spécialement de vivante, le phénomène de la reconstitution des instables se nomme nutrition. C’est pourquoi on dit des plantes qu’elles se nourrissent d’acide carbonique. On est aussi tenté d’appeler aliment toute matière susceptible de devenir vivante. Mais, d’après ce qui précède, nous voyons que toute matière est susceptible de devenir vivante, et par conséquent d’être qualifiée d’aliment.

Nous allons désormais prendre ce mot dans un sens plus défini. Nous l’appliquerons à toute matière assimilable, c’est-à-dire ayant déjà la forme qui la rend apte à devenir un organisme déterminé. Dans ce sens, il se dit principalement de la nourriture des animaux. Mais au fond les germes des végétaux, et ceux-ci mêmes, par leur racine, se nourrissent comme de véritables animaux : ils n’utilisent la matière que revêtue d’une forme convenable.

Nous tâcherons d’abord de nous faire une idée précise de l’aliment ; nous dirons ensuite un mot des déchets de l’alimentation.

Le mot aliment a été créé par le vulgaire et, à ce titre, il s’est appliqué spécialement à la nourriture des animaux et surtout de ceux qui savent la rechercher, l’attirer ou la poursuivre. De là vient qu’il éveille tout d’abord l’image d’un appareil digestif, et qu’on a pu le définir : tout ce qui, introduit dans les voies digestives, sert