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rait à rechercher la raison génétique du désir et du plaisir vénériens, fondement de l’attraction des sexes. Autre problème que je me sens pour le moment incapable d’aborder avec quelque fruit.

Nous voici arrivé au terme de notre tâche ; résumons-nous.

Les éléments primordiaux de l’univers sont doués de sensibilité, d’intelligence et de liberté. Dans le principe, ils vivent d’une vie latente et indépendante. Par cela même ni leur sensibilité ni leur intelligence ne sont éveillées, leur liberté n’a aucune résistance à vaincre. Ils ne savent pas qu’autre chose existe. On ne peut donc parler de leur conscience ni de leur égoïsme, car le moi ne se révèle à lui-même que lorsqu’il est en contact avec le non-moi. Cet état primitif, les poètes l’ont appelé le chaos. Il n’a qu’une existence hypothétique, car il ne peut avoir eu de durée. En effet, immédiatement après leur naissance, les éléments s’entrechoquèrent et, affectés dans leur sensibilité, ils appliquèrent leur intelligence et leur liberté à fuir les heurts désagréables, à rechercher les rencontres agréables ; et ainsi se créèrent les antipathies et les sympathies, les répulsions et les affinités.

Au particularisme succéda le fédéralisme. Les unités élémentaires se fondirent en unités complexes. Leurs coalitions, fruits de l’amour et de la haine, se cimentèrent par le sacrifice d’une partie de leur liberté ; mais ce sacrifice fut compensé par une plus grande résistance et par une plus grande indépendance de l’union.

Insensiblement, l’infinie variété primitive d’une infinité de choses différant l’une de l’autre de quantités infinitésimales, fit place au groupement des substances susceptibles de s’harmoniser, et entre les groupes formés, se manifestèrent des différences de plus en plus profondes. C’est ainsi que le mathématicien simplifie une équation algébrique en la réduisant à autant de membres séparés qu’il y a d’espèces de termes semblables.

De cette manière firent leur apparition dans le monde, d’une part, les toutes premières molécules organiques, c’est-à-dire, les premières sociétés formées en vue de la domination du reste, et d’autre part en même temps, les combinaisons qui, comme les calcaires, passent pour inorganiques, et qui sont les résidus de leur activité.

Puis les molécules organiques se groupèrent à leur tour ; la liberté, la sensibilité, l’intelligence se concentrèrent de plus en plus dans des agglomérations spéciales ; en même temps d’autres agglomérations se mirent à leur service sous la forme d’instruments spécifiés,  acceptant volontairement l’esclavage, pour réaliser un idéal entrevu de bien-être général, et puisant les aliments de leur activité dans le