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DELBŒUF. — la matière brute et la matière vivante

déjà le produit d’une génération intérieure, pour laquelle ont coopéré toutes les cellules qui composent la mère ou le père, et voilà, pourquoi aussi l’enfant ressemblera à l’un de ses parents, ou à tous les deux.

L’hermaphroditisme par entre-croisement n’est qu’une extension particulière de l’hermaphroditisme direct. L’enfant est le produit de la réunion, non des deux émanations de la cellule première et de la cellule seconde, mais des émanations de la cellule première d’un individu et de la cellule seconde d’un autre individu.

Cette espèce d’hermaphroditisme nous mène tout droit à la génération sexuelle. Car, si la division du travail est poussée plus loin encore, des individus se chargeront de produire seulement des émanations premières, d’autres des émanations secondes, et ainsi seront constitués les sexes. C’est de cette façon que l’espèce s’améliore ou se dégrade.

Je ne puis m’empêcher de revenir sur une idée que j’avais exposée dans une note de mes articles sur le Sommeil. C’est que, à bien considérer les choses, l’ovaire est un organe qui forme des mâles et le testicule un organe à femelles. En effet, l’ovaire et le testicule se sont réservé le privilège de l’immortalité, et jettent indéfiniment dans la vie des produits appelés à se développer et à reproduire le type des parents. Mais entre l’excréteur et l’excrété il y a une opposition de nature, sans quoi l’excrétion resterait inexplicable. La génération, avons-nous dit, est le phénomène inverse de la copulation. Par conséquent, si nous disons de l’ovaire qu’il est femelle, et du testicule qu’il est mâle, les produits du premier sont des mâles, et ceux du second des femelles : ce qui veut dire, en d’autres termes, que la femelle est un mâlier et que le mâle est un femellier.

Peut-être est-ce là le fondement de la remarque souvent faite qu’en général les filles ressemblent à leur père et les garçons à leur mère, d’où cette autre conséquence, l’alternance des générations : le garçon ressemblant à son grand-père maternel, la fille à sa grand’mère paternelle.

Peut-être cette manière d’envisager les rôles des sexes nous fournit-elle aussi l’explication de ce fait singulier que les naissances illégitimes donnent un peu plus de filles ; les naissances légitimes, un peu plus de garçons. Cela proviendrait de ce que, en dehors du mariage, la femme, s’abandonnant à son amant comme à regret, prendrait une part moindre dans l’acte générateur. Enfin ainsi se trouverait renversé par sa base le sot préjugé qui fait que l’homme est fier de mettre au monde une progéniture mâle.

C’est assez nous étendre sur un sujet de pure spéculation. Il reste-