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et, en fin de compte, se réunir en corps séparés sous les cloches qui les attendent. Dans la cellule, les molécules qui jusqu’ici avaient voyagé de conserve entrent en conflit, et se disposent à faire ménage à part. Ceci nous montre que la division que nous appelons la génération, est précédée d’un phénomène inverse de celui de la copulation. Car celle-ci a pour but de réunir des molécules de provenances différentes.

Les produits de cette division doivent en effet avoir certaines propriétés opposées, puisque, sans cela, la division ne s’expliquerait pas. C’est une séparation par incompatibilité d’humeur après quelque temps d’une cohabitation par sympathie. En pareil matière, il ne faut pas pousser trop loin les comparaisons et les analogies. Je ne puis cependant me défendre de voir dans le rapprochement des deux moitiés aux tendances divergentes et aux propriétés en quelque sorte inverses, une lointaine ressemblance avec ces figures géométriques régulières composées de deux moitiés symétriques insuperposables ; tel est un cylindre droit dont la base est un polygone régulier à côtés impairs.

Voilà donc l’idée que l’on peut se faire de la génération d’un organisme monocellulaire telle que l’amibe. Les deux moitiés qui se séparent sont, au moment où elles se séparent, incompatibles. Pour simplifier le langage, disons que l’une est mâle, l’autre femelle, sans attacher pour le moment à ces mots d’autre idée que celle d’une opposition. Chacune d’elles va se compléter, c’est-à-dire que le mâle va se créer sa moitié femelle, et la femelle sa moitié mâle. Aussi peut-on assimiler la nutrition en tant que formatrice d’organes, à une copulation.

Quand la cellule en engendre une autre qui lui reste accolée pendant un certain temps de manière à former un être à fonctions localisées, la même opposition continue au fond à subsister entre elles. L’une est mâle, l’autre est femelle. Il peut se faire, avons-nous dit, que la fonction génératrice soit le privilège de l’une d’elles ; mais il peut se faire aussi que chacune engendre pour son propre compte une jeune cellule, et que les deux cellules ainsi formées se réunissent pour composer un individu semblable au parent. Dans ce cas, celui-ci est dit hermaphrodite.

Si cependant on fait pénétrer l’analyse dans le phénomène de la génération directe par une cellule unique, on se convainc sans peine que l’enfant est après tout un produit complexe où chacune des deux cellules a mis du sien, et qu’ainsi il est mâle et femelle ; seulement la réunion de leurs émanations se fait en dedans et non au dehors de l’individu. Voilà pourquoi l’ovule et les spermatozoïdes humains sont