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delbœuf. — origine de la vie et de la mort

l’instable à se précipiter de lui-même vers la stabilité, tandis que l’inerte abandonné à lui-même ne reprend pas de la mobilité, pas plus qu’un corps ne quitte spontanément l’état de repos pour se mettre en mouvement.

Mais on sait d’autre part que les parties vertes des plantes et de certains animaux inférieurs (des espèces de vorticelles, d’après Engelman) se chargent de décomposer l’acide carbonique et de rendre au carbone et à l’oxygène leur liberté.

Y aurait-il là un nouveau mystère ? Car l’acide carbonique est très stable comparativement à l’oxygène et au carbone, puisqu’il se forme par leur union spontanée. La réaction qui se passe dans les plantes, serait-elle en contradiction avec l’équation fondamentale qui exprime la relation quantitative nécessaire entre le stable et l’instable résultant d’une double décomposition. Est-ce que l’aliment des plantes serait l’inerte, et excréteraient-elles le vivant ? Est-ce que, comme l’avaient cru ou le croient encore certains utopistes, cet échange entre la nature inorganique et la nature organique pourrait être éternel ? La nature réaliserait-elle ce que notre raison déclare irréalisable, la perpétuité, non pas seulement du mouvement dans l’espace, mais du mouvement dans sa forme la plus noble et la plus complexe, la vie ? Et partant, n’est-il pas possible que des êtres vivants réunis en société, soient de telle complexion que les excréments des uns servent de nourriture aux autres et réciproquement ?

Oui, sans doute, si la lumière et la chaleur étaient elles-mêmes éternelles. Mais d’où viennent-elles ? à quelle cause sont-elles dues ? Elles aussi proviennent d’une précipitation d’éléments chimiques les uns sur les autres ; elles aussi ont besoin d’aliment pour continuer à faire jaillir leurs rayons. De sorte que les plantes, pour revivifier l’oxygène, ne consomment pas seulement de l’acide carbonique, mais encore de la lumière et de la chaleur, c’est-à-dire la force du soleil. L’acide carbonique n’est pour elles un aliment qu’à la condition d’être imprégné de vibrations lumineuses et calorifiques, qui lui servent en quelque sorte de dissolvant, comme la salive aux graisses, et à l’albumine le suc gastrique et la bile[1].

Le soleil est donc, en dernière analyse, un réservoir de vie pour notre planète et tout ce qui l’anime. Cette proposition est d’ailleurs aujourd’hui incontestable et presque banale. Que conclure de là, sinon que la matière doit y être au degré suprême d’instabilité ? Cette

  1. On peut se demander si le diamant, sur l’origine organique duquel on est aujourd’hui assez d’accord, ne doit pas sa phosphorescence à un reste d’habitude.