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DELBŒUF. — la matière brute et la matière vivante

façon qu’il est imprégné dans ses moindres parties des vertus de ses ancêtres. Telle est sa puissance que, quand elle a engendré sa première enveloppe, nous concevons — théoriquement parlant — qu’on la détruise, frappant ainsi l’individu d’une stérilité irrémédiable, sans que pour cela cette enveloppe cesse de bourgeonner en vertu de ses propres lois, et s’épanouisse en un individu extérieurement assez semblable à celui qui serait né sans cette mutilation, sauf cette mutilation même. C’est en partant de ce principe, c’est-à-dire de l’existence de propriétés spéciales affectées à chaque cellule corporelle, que nous nous sommes expliqué les phénomènes étranges de réparation présentés par les batraciens et notamment par les hydres d’eau douce. Enfin il faut considérer l’enveloppe achevée — disons tout d’un coup l’individu — comme le support des organes générateurs, et c’est par une habitude invétérée qu’il peut continuer à vivre après l’ablation ou la flétrissure de ces organes.

V

Je devrais parler de la génération sexuelle. Je l’ai déjà fait dans me études sur le Sommeil et les Rêves. Je pourrais ajouter plusieurs choses à ce que j’ai dit alors : mais les présents articles sont déjà bien longs, et je crains d’avoir fatigué le lecteur par cette longue série de déductions et d’hypothèses. Je puis cependant condenser ma pensée en quelques mots.

La génération a son origine dans la division de la cellule en deux parties, dont chacune reproduira cette cellule en figure. La division est précédée — du moins les recherches les plus récentes tendent à l’établir — d’un état où la matière protoplasmatique est comme brouillée. Prenons par exemple le noyau. Il ne se divise pas simplement en deux morceaux ; mais il commence par se briser en un grand nombre de fragments, puis ces fragments se rassemblent en deux masses distinctes. Par conséquent, la division de la cellule est précédée d’un remaniement dans toute son étendue. Ainsi nous voyons une compagnie former deux pelotons de la manière suivante : un homme quitte un homme et tous ceux qui vont dans la même direction se rassemblent.

Ce phénomène de séparation, on peut l’assimiler à une polarisation. Quand on soumet l’eau à l’action d’une pile électrique, les molécules se décomposent, et l’on voit les atomes d’oxygène et d’hydrogène marcher en sens contraires, se donner une poignée de main en passant