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maux d’une certaine taille. Qu’est-ce qu’un œuf ou un spermatozoïde par rapport à l’éléphant, à l’homme, à la souris, au hanneton, à la coccinelle, au puceron même ? Et en voyant se dissoudre ces masses considérables, nous perdons de vue l’immortalité du germe, et formulons la loi que tout ce qui vit meurt. Une analyse approfondie des faits nous prouve que tout ne meurt pas ; et ce qui survit est le meilleur.

Cette manière d’envisager les phénomènes nous explique aussi — et ce n’est pas une des moindres difficultés du problème de la génération, de la vie et de la mort — comment il peut exister des neutres, c’est-à-dire des êtres inaptes à reproduire. La vie individuelle, en effet — nous venons de le voir — n’est nullement conditionnée par la fécondité ultérieure de la cellule première. En même temps nous comprenons comment, dans certaines espèces, — les articulés en offrent de nombreux exemples — on peut prolonger la vie des individus en mettant une entrave à leur instinct reproducteur. On a pu de cette façon conserver en vie pendant plusieurs années des insectes qui d’ordinaire vivent une saison à peine. D’ailleurs on a remarqué que les neutres — chez les fourmis et les abeilles — ont la vie bien plus longue que les femelles et surtout que les mâles.

Revenons une dernière fois à l’animal bicellulaire. Comment sera l’enfant ? Ne contiendra-t-il que la substance de la cellule-mère ? Oui, d’une certaine façon ; mais cette substance est profondément modifiée dans sa constitution par sa vie en commun avec la cellule neutre. C’est ici que se présente un des problèmes les plus graves et les plus ardus de la métaphysique de la vie.

Prenons la future cellule mère à sa naissance. Elle est, ai-je dit, comme une molécule non saturée, elle présente des pôles attractifs. Elle va donc satisfaire ses attractions en s’attachant ici un atome d’oxygène, là un atome d’azote, ici un atome d’hydrogène, là un atome de carbone, et ainsi elle se fait son propre corps, comme la phrygane de nos ruisseaux, l’étui qui la supporte et la protège. Peu lui importe l’origine de ces atomes. Bien que, rigoureusement parlant, un atome se discerne toujours d’un autre atome, si semblables qu’ils soient tous deux, le caractère qui leur sera imprimé par leur entrée dans la cellule est tellement marquant que devant lui disparaissent les petites différences qu’ils peuvent présenter entre eux. La cellule grandit de cette façon, et le moment arrive où elle peut bourgeonner et former une autre cellule. Cette cellule aura des propriétés définies. Mais — cela résulte de ce qu’on vient de dire — bien qu’attachées à une certaine matière, elles ne sont pas inhérentes à cette matière. Il se trouve qu’elle comprend tels atomes d’oxygène, d’hydrogène,