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transformations plus ou moins considérables. Donnons à cet enfant le nom d’ovule.

Comment l’ovule peut-il réaliser le type maternel ? Évidemment en formant lui-même ce qui lui manque pour le reproduire. C’est ce qu’on nomme son développement. Ce peu de mots nous montre que le développement est à son tour un mode de génération où le dissemblable produit aussi le dissemblable, avec cette différence qu’ici l’enfant reste attaché à sa souche. En résumé, la mère, que nous représentons par abc..., met au monde un ovule a, qui de son côté pousse b, c, etc., et reproduit ainsi le type abc… Par conséquent l’allogénèse est, au fond, une espèce de génération alternante. Les éléments b, c, etc., sont différents de ; ce sont des éléments différenciés.

Prenons le type le plus simple, le type ab composé de deux éléments différenciés. Pour faciliter le travail de l’imagination, représentons-nous chacun d’eux sous la forme d’une cellule. Nous savons que ce n’est pas là une nécessité, et qu’un organisme unicellulaire et même plus simple encore, peut renfermer — théoriquement du moins — des parties différenciées. Demandons-nous comment ce type a pu venir au jour.

La réponse parait simple. Quand une amibe est en voie de se diviser, que le noyau et le protoplasme de sa cellule éprouvent cet étranglement particulier, précurseur de la séparation définitive, il arrive un moment où les deux cellules toutes formées sont encore attachées l’une à l’autre. Rien ne s’oppose à ce que, pendant quelque temps, ce double animal rampe à l’aide de pieds projetés par l’une des cellules toujours la même, et que les bras lancés par l’autre servent à la préhension des aliments. Si maintenant il existe une certaine cause qui tende à prolonger cet état de transition, — par exemple, un certain avantage que l’animal en retire — à une génération suivante, l’état se montrera plus tôt, disparaîtra plus tard, et à la longue, la période de vie conjuguée constituera la plus grande partie de l’existence de l’être : ce qui veut dire en termes plus savants que la vie unicellulaire, se raccourcissant toujours, finira par n’être que la vie embryogénique de l’être bicellulaire.

Voilà la raison pour laquelle tout animal vient d’une cellule unique. Cette cellule est une amibe qui se divise, mais dont les deux divisions, en restant unies pendant un temps plus ou moins long, et en prenant des fonctions différentes, forment ce que l’on appelle un individu.

Ainsi donc la fonction différenciée est un résultat consécutif de la génération par voie de division. Il va de soi, je le répète, qu’elle peut apparaître dans des organismes unicellulaires, et peut-être même