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DELBŒUF. — la matière brute et la matière vivante

c’est la cellule primitive ? Mais alors elle est immortelle ; et où est-elle au milieu de ses sept enfants qui lui ressemblent à s’y méprendre ? C’est le cas de citer le célèbre vers d’Héraclius :

Devine si tu peux, et choisis si tu l’oses.

De cette discussion, il ressort à l’évidence que la notion de mort ne s’applique pas à ces sortes d’êtres qui se propagent par division, du moment qu’il n’y a pas de cadavre. Mais aussi on ne peut leur appliquer la notion d’individualité, puisque celle-ci signifie indivisibilité et mécanisme. Les deux moitiés d’un homme ne sont pas des hommes ; les deux moitiés d’une monère sont des monères, sinon toujours en acte, du moins toujours en puissance. Le même jugement doit être porté sur tous les organismes dont toutes les parties divisées, quelles qu’elles soient, peuvent accomplir les mêmes fonctions que le tout. Un individu se compose essentiellement de parties hétérogènes indivisibles. On peut donc dire, d’une cellule en tant qu’indivisible, qu’elle est un individu, et elle doit être considérée comme telle, si, par exemple, le noyau a une fonction propre, ou si certains organes se développent en elle, ne fût-ce qu’un simple cil vibratile, qui, détachés ne peuvent vivre d’une vie indépendante et reproduire le tout. Je ne doute pas, pour ma part, que ces êtres où l’individualité n’est pour ainsi dire qu’ébauchée, ont une organisation plus compliquée que nos meilleurs microscopes ne le révèlent. Mais du moment que tout en eux reste éternellement vivant, ils ne meurent jamais. Ainsi deux cellules simples ou compliquées, formeront toujours deux individualités distinctes, à moins qu’elles ne remplissent des fonctions différentes utiles à la communauté, et que l’une d’elles, ou une partie d’elles, ne soit incapable après séparation de se recompléter par bourgeonnement et de reproduire un individu semblable à la souche. Dès lors cette cellule ou cette partie de cellule n’a d’existence que dans le tout et par le tout ; elle n’est pas séparable, elle est un organe.

IV

Dans la génération par fissiparité, le semblable met au monde le semblable. Nous avons maintenant à voir comment la génération du dissemblable par le dissemblable a pu faire son apparition dans le monde. D’une manière générale, on peut appeler allogénèse toute procréation d’un enfant qui, au moment de sa naissance n’est pas semblable à sa mère, et ne le devient qu’au bout d’une série de