Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 18.djvu/386

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
382
revue philosophique

avoir cela bien présent à l’esprit pour comprendre la biologie d’Aristote. C’est donc à tort qu’on prétendrait que des êtres vivants naissent de la pourriture (τὸ σηπόμενον) et par la pourriture. Ils proviennent, en réalité, d’une coction (τὸ πεπτόμενον) ; et la matière putride où on les voit apparaître, n’est que le résidu de lé coction qui leur a donné naissance.

Dans le corps, le résultat des coctions prend le nom de sécrétion, Toute production au sein ou par le fait de l’organisme, est une sécrétion, et chacune a son organe (Gen. II, 39, 46, 61). Le sang est une sécrétion qui a pour organe le cœur et les veines ; le sang sécrète à son tour les chair ; les chairs sécrètent les os qu’elles enveloppent et qu’elles cuisent par leur propre chaleur comme les briques au feu ; la peau sécrète les poils, les plumes, les ongles. L’urine aussi est une sécrétion. De même l’excrément est la sécrétion de la partie terminale de l’intestin (Gen. I, 39, 61). Il faut remarquer qu’à côté de ces sécrétions normales et profitables, il peut s’en produire d’autres qui ne le sont pas, et qui restent sans utilité pour la croissance et pour le maintien de la vie. Si elles viennent à s’accumuler en trop grande quantité dans l’organisme, elles lui portent préjudice (Gen. I, 58), soit en se réunissant pour former des abcès, soit en se mêlant aux tissus et aux humeurs dont elles altèrent la nature : elles causent alors les maladies.

En somme, sous cette terminologie un peu confuse pour nos habitudes de précision, on voit qu’Aristote se représente l’organisme comme le siège d’une série de modifications successives de l’aliment pour subvenir à la fois à l’accroissement et à l’entretien du corps[1]. L’aliment est composé de sec et d’humide, sans quoi, d’après la doctrine aristotélique, il n’aurait pas de saveur ; le corps, en vertu de sa chaleur propre, élabore cet aliment ; il attire toutes les parties légères ou douces pour faire avec elles le sang et les tissus ; il laisse les parties amères et salines qui sont trop lourdes, et celles-ci vont constituer l’excrément liquide ou solide (Sens, IV, 11).

Les particules qui seront retenues, subissent d’abord une coction préliminaire dont le résultat est le flegme. Il faut voir probablement dans celui-ci le « chyme, » et d’une manière plus générale tous les liquides et les sécrétions des voies digestives supérieures jusqu’à l’estomac, et même des voies respiratoires. On n’oubliera pas que

  1. Il y a deux parties dans l’aliment, une nourissante et une acrescente Gen. II, 105),