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À cette puissante critique, à son savoir prodigieusement étendu Aristote joint encore un sentiment très net de la hiérarchie et de la corrélation des sciences. Par là encore il est véritablement initiateur. Il appuie la biologie sur la physique, en lui donnant pour assise la connaissance des quatre éléments. Il distingue avec une netteté admirable l’anatomie générale de l’anatomie comparée. Il va plus loin dans cet esprit de méthode et devine déjà ce qu’on appelle aujourd’hui l’anatomie des formes. Il nous montre (Des Parties IV, 10) le volume proportionnel des régions du corps de l’enfant différent de ce qu’il sera plus tard, et il étend ce genre d’étude aux animaux, témoin cette remarque très juste que les jeunes poulains peuvent avec leurs pieds de derrière se gratter la tête, tandis que plus tard cela leur est impossible. Nos traités d’anatomie comparée modernes négligent complètement ces considérations morphologiques dont il serait trop facile de justifier l’importance, et il n’y aurait qu’avantage à reprendre en cela les errements du Stagyrite.

II

biologie générale

Même sans parler de l’inextricable confusion dans laquelle est aujourd’hui la collection aristotélique, il n’était pas dans les habitudes littéraires des anciens de mettre aux œuvres didactiques l’ordre que nous y recherchons aujourd’hui comme une qualité maîtresse. Dans ces sortes d’ouvrages, les diverses branches des connaissances humaines ou d’une même science n’avaient pas les limites bien définies qu’il à fallu leur donner depuis, par suite de l’extension qu’elles ont prise. Exposer successivement l’objet ou le sommaire des divers traités aristotéliques, comme nous l’avons fait pour l’Histoire des animaux, ne donnerait aucune idée du système biologique qui les relie. Il faut en quelque sorte le dégager de l’œuvre entière. C’est seulement en rapprochant les vues éparses, en comparant diverses parties qu’on peut espérer d’en reproduire le tableau aussi complet que possible et à peu près exact[1].

Une première difficulté qui s’offre toujours en pareil cas est celle qu’on pourrait appeler « du vocabulaire ». Il faut souvent peu de temps dans une science pour qu’un véritable embarras naisse des modifications survenues au langage qu’elle emploie. Un traité de

  1. Un travail de ce genre, mais surtout anatomique, a été déjà tenté par M. J. Geoffroy, L’anatomie et la physiologie d’Aristote, thèse, Paris, 1878. On pourra consulter l’index bibliographique donné par M. Geoffroy.