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à peu près chez les Insectes et les Crustacés. Mais chez les Mollusques (= Céphalopodes) et les Testacées turbinés la fin s’infléchit vers le commencement comme si, sur la ligne E, on ramenait la droite en la pliant de D vers A (Des Parties, liv.  IV, chap.  ix). » Il n’y avait peut-être pas ici de figure ; mais toutes devaient être à peu près aussi linéaires. Et si, au point de vue des mœurs philosophiques d’alors et des procédés scolaires, la perte de ces représentations est essentiellement regrettable, nous ne pensons pas que l’art ou les sciences auraient beaucoup gagné à leur conservation.

Aristote n’a pas ouvert de cadavres humains, cela va sans dire. Hérophile ou Érasistrate furent les premiers, dit-on, qui l’osèrent. Il n’a certainement jamais vu non plus de squelette humain monté pour l’étude. Ce n’est qu’un peu plus tard qu’on put voir, dit-on, cette grande nouveauté à Alexandrie devenue la ville savante du monde. Aristote attribue dans deux passages de l’Histoire des animaux qui se répètent presque littéralement (I, viii ; III, vii) trois sutures au crâne de l’homme et une seule suture circulaire à celui de la femme, ce qui semble indiquer qu’il n’eut jamais l’occasion d’observer à loisir une « tête de mort ». L’esprit et l’art grecs, sans aucun effroi de la mort, se détournaient d’un objet qui d’ailleurs ne la symbolisait point alors : c’est seulement plus tard que le Moyen âge chrétien en fera un emblème recherché, copié.

Pour l’anatomie humaine on se contentait au temps d’Aristote d’observer les sujets les plus maigres qu’on pût trouver afin de lire à travers leur peau la place des organes, et la distribution des veines « mises à découvert comme les conduites d’irrigation dans un jardin défoncé, ou comme les nervures d’une feuille dont la pourriture a fait disparaître le parenchyme (Des Parties, III, 5) ». La technique, même pour l’étude des animaux, était des plus rudimentaires. Aristote sait cependant insuffler les conduits pour en déterminer la direction (Hist. Anim. III, i). Il conseille pour étudier le trajet des veines l’étouffement des bêtes après les avoir fait maigrir afin de trouver leurs vaisseaux gorgés de sang (Hist. Anim. III, iii, 6). Le moyen était long, mais comment mieux faire deux mille ans avant que l’art des injections n’ait été inventé ? En réalité on ne peut guère dire qu’Aristote ait disséqué, et encore moins qu’il ait pratiqué des vivisections comme plus tard Galien ; les temps sont encore loin, de ces recherches délicates qui ont failli mettre le contemporain de Marc-Aurèle sur la voie des grandes découvertes de Columbo et d’Harvey. Aristote a simplement ouvert des animaux pour connaître la disposition intérieure des organes. Cependant il donne une bonne description d’un objet assez ténu, les yeux de