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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

dans l’enseignement du Lycée, mais rien n’autorise à supposer qu’elles n’étaient pas en usage dans les autres écoles avant Aristote en même temps que le tableau de sable à tracer les figures de géométrie, les cartes et peut-être les sphères[1]. M. Barthélemy-Saint-Hilaire va plus loin et conclut que les animaux devaient être représentés avec une rare perfection en raison de celle qu’avaient atteinte à cette époque les arts plastiques dans la Grèce. Ceci n’est point une conséquence forcée et les figures d’anatomie de l’Extrême-Orient, celles du xvie siècle pour toutes les branches de l’histoire naturelle, sont là qui démontrent à quel point la précision scientifique et la culture artistique chez un même peuple demeurent choses indépendantes[2]. Nous croirions volontiers pour notre part que les figures d’Aristote devaient beaucoup ressembler à ces graphiques sommaires en usage aujourd’hui dans l’enseignement des sciences naturelles et qui sont seulement destinés à fixer par le trait certains rapports d’organes ou certaines dispositions caractéristiques. Nous pourrions citer tel dessin schématique dans nos ouvrages élémentaires d’anatomie comparée[3] dont le philosophe semble avoir donné par avance la description : « On peut se représenter, dit-il, la composition anatomique des Quadrupèdes par une ligne droite à l’extrémité de laquelle serait la bouche indiquée par la lettre A, puis l’œsophage indiqué par B, l’estomac par C et l’intestin dans toute sa longueur jusqu’à l’anus par D. Cette disposition se retrouve

  1. Voy. Les Nuées.
  2. On sait si les Japonais excellent à reproduire avec une merveilleuse exactitude tous les animaux de l’air, de la terre ou des eaux. Ils y sont passés maîtres au point qu’on a pu, sur la seule foi de ces représentations, faire entrer dans les catalogues zoologiques, des espèces qui n’ont jamais été vues. Mais c’est encore l’art. Il en va tout autrement des figures didactiques. La bibliothèque du Muséum d’histoire naturelle possède un magnifique ouvrage japonais sur la pêche de la Baleine. Les paysages, les scènes de chasse à l’énorme animal qu’on tue avec des lances, y sont tracés de main de maître. Tout le détail des instruments dont on se sert pour la fabrication de l’huile est certainement reproduit avec une précision parfaite. Les diverses espèces de baleines sont elles-mêmes assez reconnaissables. Mais il y a là aussi des anatomies et elles sont prodigieusement naïves. On en peut dire autant des figures d’une encyclopédie japonaise enfantine que nous avons sous les yeux, où sont représentés les principaux organes du corps. Citons enfin un grand rouleau donnant toute l’anatomie d’un supplicié disséqué avec l’autorisation de l’administration japonaise en 1795 par le médecin Miasaki à Oasaka. L’auteur de ce rouleau connaissait les traités hollandais, les ouvrages européens, et cependant les représentations anatomiques y sont encore d’une imperfection notoire. Tous les os, spécialement le rachis, le bassin sont à peine reconnaissables, tandis que les ivoires japonais nous offrent parfois des « têtes de mort » rendues avec une Curieuse exactitude (Voy. Note sur un rouleau Japonais d’anatomie humaine, Soc. de biologie, 24 nov. 1883).
  3. Voy. Gegenbaur, Grundriss der vergl. Anat. 1872, p. 344.