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reste au génie d’Aristote. On y trouve jusqu’à des allusions aux facéties du théâtre (à propos de la canitie), des recettes de pommades pour empêcher les cheveux de blanchir, des faits aussi peu prouvés que celui des grues qui deviennent noires en vieillissant à l’encontre des autres animaux. Les dissertations s’allongent en raison même de la banalité des sujets et les répétitions abondent.

Il faut signaler encore, au premier rang dans l’œuvre biologique d’Aristote, les quatre premiers chapitres du traité De la longévité et de la brièveté de la vie. Les suivants, où l’on voit assez inopinément entre autres choses des recettes d’arboriculture, ne semblent pas faire corps avec les premiers. C’est la règle ordinaire. Mais ces quatre chapitres eussent-ils seuls survécu de toute la collection, qu’ils auraient suffi à assurer une place honorable à leur auteur dans l’histoire des sciences de la vie. Ils sont, par le fond et par la doctrine autant que par les détails, en parfaite harmonie avec le traité Des Parties, tandis que les autres ouvrages aristotéliques Du sommeil, Des rêves, De la mémoire, Du mouvement, même celui Des sensations sont loin d’avoir une portée aussi grande et un pareil intérêt pour nous.

Aristote en maints passages renvoie aux Anatomies[1]. Ce devait être, autant qu’on peut en juger, un traité d’anatomie avec de nombreuses figures ou même simplement une iconographie accompagnée d’explications. Les premières copies en circulation, ou tout au moins les manuscrits du maître, contenaient certainement des figures d’histoire naturelle. Aristote s’y reporte à chaque instant (voy. entre autres Des Parties, III, IV ; Histoire des animaux, III). Il y renvoie pour l’étude des Poissons (Des Parties, IV, 13), pour celle des Crustacés à propos des différences qui distinguent les sexes chez ces animaux[2]. Ces précieux documents sont perdus. M. Barthélemy-Saint Hilaire, dans sa constante admiration pour le philosophe grec, charge encore sa gloire du mérite d’avoir inventé les figures d’histoire naturelle. Il est certain qu’elles devaient jouer un grand rôle

    l’Eau, les animaux munis de pieds (τὰ πεζά) à l’Air (voy. ci-dessous une attribution différente des êtres vivants aux quatre éléments), l’auteur déclare que s’il existe des êtres répondant au Feu, c’est dans la Lune qu’il faut les aller chercher, cet astre ayant plus d’un rapport avec le quatrième élément.

  1. Diogène Laërce compte neuf livres sur les animaux, huit d’anatomie et un d’extraits anatomiques.
  2. « Tous les Crustacés ont une bouche, une ébauche de langue, un estomac et une issue pour l’excrément. Les seules différences concernent la position et la grandeur de ces organes. Pour savoir ce que sont chacun a d’eux on peut recourir à l’Histoire des animaux et aux Anatomes. C’est en étudiant l’une et en regardant les autres que l’on comprendra les choses beaucoup plus clairement, » (Des parties, IV, 5).