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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

nomenclatures entières, des traits de mœurs, dont la valeur est grande pour la connaissance générale de l’antiquité grecque, et qui nous renseignent sur les choses, si non sur les idées d’alors.

C’est en lisant le traité Des parties qu’on juge à sa juste valeur l’Histoire des animaux. Le premier de ces ouvrages, digne entre tous du maître, peut servir en quelque sorte d’étalon pour mesurer dans les autres livres de la collection aristotélique, la part qui lui revient et celle qui ne doit pas lui être attribuée. Ce livre d’un savoir profond et très spécial a dû naturellement exciter moins d’intérêt que bien d’autres dans l’école péripatéticienne sortie des voies scientifiques après Théophraste et Aristoxène. Moins recopié sans doute, moins commenté surtout, il est resté beaucoup plus pur de ces scories qui déparent le reste des œuvres attribuées au Stagyrite. Ce traité si remarquable a d’un bout à l’autre toutes les qualités des meilleurs passages de l’Histoire des animaux : la clarté, la netteté des descriptions, la suite dans l’exposition, l’absence de tout détail superflu et de tout hors d’œuvre. On n’y peut signaler qu’une tache, une interpolation évidente au milieu du IIIe livre, avec des citations poétiques qui rappellent le IXe livre de l’Histoire des animaux et des récits dignes de celle-ci, comme l’anecdote de la tête tranchée qui répétait le nom de son meurtrier[1], ou cette légende qu’à la guerre les coups portés dans la région du diaphragme provoquent le rire.

Le traité De la Genèse des animaux, presque aussi précieux que celui Des parties pour l’histoire de la biologie, a beaucoup plus souffert. On y voit reparaître la marque évidente d’un autre esprit et de mains étrangères, surtout médicales. La fin, comme dans la plupart des ouvrages aristotéliques, est très inférieure au début ; les formes de raisonnement ne sont plus tout à fait les mêmes dans les livres III, IV et V qu’au début ; on est en face d’une autre conception de l’être vivant[2]. Nous voyons revenir en même temps, les combinaisons sidérales, les tendances astrologiques (III, 408) dont il a été déjà parlé[3]. Le Ve livre surtout est encore plus étranger que le

  1. Des parties III, 25. À La vérité cette histoire de tête parlante est appuyée d’un fait exact, à savoir : que les Exsangues (tous les animaux autres que les Vertébrés) vivent encore longtemps après qu’on leur a coupé la tête. Aristote, comme on le verra plus loin, s’attache longuement à cette question de la survie des tronçons d’un animal et le fait avec une hauteur de vues dont le passage en question ne porte aucune trace.
  2. La table dont MM. Aubert et Wimmer ont fait suivre leur traduction relève dans le texte grec vingt-cinq fois le mot ψυχὴ pour les deux premiers livres, et ne l’indique ensuite qu’une fois pour le IIIe livre et une fois pour le Ve sans que les matières traitées justifient cette différence.
  3. Après avoir rapporté les plantes à la Terre, les animaux aquatiques à