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regarder comme apocryphe[1]. Nous ignorons par quelles raisons et si elles doivent être cherchées ailleurs que dans une sorte de pruderie toute moderne, mais qui ne devait pas plus avoir sa place dans l’enseignement que dans les mœurs de l’ancienne Grèce. Il traite de la génération, de la conception, de la stérilité chez la femme, etc., et la doctrine en semble, sur tout cela, fort concordante avec celle du reste de la collection aristotélique.

Pour nous résumer il est impossible à notre avis de se faire même une idée de ce que dut être, dans sa forme primitive, l’Histoire des animaux. On dirait les fragments incomplets d’un édifice retrouvés épars, dont on n’a pas su rétablir l’ordre, reliés par de piètres maçonneries ou complétés par des restaurations hasardeuses. Tout le début anatomique est certainement d’Aristote, mais répond assez : mal au titre de l’ouvrage et appartiendrait, semble-t-il, beaucoup mieux au traité Des Parties ou à celui De la Genèse. On doit encore faire honneur au philosophe des chapitres sur les Céphalopodes, le Caméléon et de quelques autres ; c’est peut-être tout. Des mains étrangères ont certainement introduit ce catalogue ornithologique du IXe livre, ces histoires fabuleuses, ces contes grossiers, ces citations de poètes parfois les moins scientifiques, ces tendances astrologiques mêlées de goût à la chiromancie (I, xi, 3) et à la physiognomonie (I, viii. 1-2). Enfin restent les parties didactiques, les unes empruntées, comme les livres VII et X, à la science des médecins ou des matrones, les autres traitant du bétail et des animaux domestiques. Le Cheval, le Chien, le Mouton, le Porc ne sont pas plus oubliés que les Abeilles : on nous dit la façon de les nourrir et de les engraisser, leurs maladies et le traitement, l’époque favorable à la castration, aux saillies, la manière de reconnaître l’âge des chevaux par les dents. Il est possible que le plan d’Aristote ait été de faire entrer toutes ces données dans une histoire véritablement encyclopédique des animaux et de l’homme. On peut discuter sur ce sujet. Notre conviction profonde, pour notre part, est que nous ne sommes pas même en état de reconnaître le plan primitif de ce livre célèbre. Ceci d’ailleurs n’ôte rien à son importance par un certain côté. Tout dépend du point de vue auquel on se place. Et, sous ce rapport, le traité Des Parties et l’Histoire des animaux sont deux exemples tout à fait topiques. L’un, le premier, est d’un intérêt capital pour reconstituer les doctrines biologiques, l’état du savoir humain au moment où il fut écrit. L’autre nous apporte une somme considérable de petits faits, des

  1. Scaliger s’est borné à en discuter la place.