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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

les espèces sauvages dont on recherchait probablement le miel (xxix, 8) pour augmenter la production industrielle.

Il n’y a aucune raison décisive de ne pas admettre que ce curieux chapitre d’une « Maison rustique » de la 120e Olympiade ne soit d’Aristote. Son génie pouvait évidemment tout embrasser. C’est Diderot écrivant les articles industriels de l’Encyclopédie. Et cependant il est peu probable que le Stagyrite soit l’auteur de cette étude rurale. On y remarque d’abord quelques incertitudes, que la moindre attention d’un esprit observateur comme le sien eût suffi, semble-t-il, à lever : comme de savoir si telles ou telles guêpes ont des aiguillons (xxviii). Mais une objection beaucoup plus sérieuse est dans la composition même de ce livre IX. On notera aussi que dans son traité De la Genèse Aristote parle longuement de la génération des abeilles[1] « d’après le dire des éleveurs », tandis qu’un éleveur semble avoir lui-même écrit ce fragment du IXe livre de l’Histoire des animaux, peut être extrait de quelqu’ouvrage spécial. L’exemple de Xénophon est là pour nous montrer combien ces traités agricoles étaient alors dans le goût du public athénien.

Mais à qui attribuer le triste honneur du chapitre sur le Lion, le Bison, l’Éléphant, le Chameau, le Thôs, qui termine ce IXe livre et qui n’est qu’un tissu de fables ridicules, comme celle aussi des Dauphins faisant un convoi à leurs morts ou sautant par dessus la vergue des navires (chap.  xxxv). Aristote a très bien observé les Cétacés, et d’ailleurs on devait voir souvent les Dauphins prendre leurs ébats jusque dans le Pirée et dans l’Euripe. Il faut que l’auteur de ces contes ait vécu loin de la mer, probablement au fond de l’Asie. Quelques pages plus bas, dans un chapitre sur la castration, il est question « des gens du Haut-Pays qui possèdent jusqu’à 3 000 chameaux (chap. xxxvii, 8) » : nous voici plus près de l’Arménie que de l’Hymète et de ses ruches. Il est fait aussi de nombreuses allusions aux poissons du Bosphore qu’Aristote n’eut guère l’occasion d’étudier ; et involontairement on pense à l’alexandrin Aristophane qui était de Byzance[2], et avait, au dire de Théophraste, publié un abrégé de l’IHistoire des animaux.

Tel est ce IXe livre, complexe comme tout l’ouvrage. On en conteste l’authenticité : il est le reflet fidèle de l’œuvre entière, il en montre à la fois les faces diverses, les faiblesses nombreuses et les rares mérites. Quant au Xe livre, on paraît être d’accord aujourd’hui pour le

  1. Les deux passages de l’Histoire des animaux (liv.  V, xviii-xx et liv.  IX, xxvi-xxx, forment, avec le passage en question du traité De la Genèse, une très curieuse et la plus ancienne histoire des mouches à miel.
  2. Voy. Zeller, 3e éd., 2e vol. , 2 partie, p. 150.