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moins bonnes parties de ce livre célèbre, qui durent être goûtés du public latin comme le seront plus tard les Bestiaires par le public du Moyen âge. On a très diversement apprécié l’Histoire des animaux : elle a inspiré de justes critiques, d’hyperboliques éloges. Tout le monde n’a pas, pour admirer Aristote jusque dans ses œuvres les moins parfaites, cette sorte de foi religieuse dans le philosophe grec, que professe M. Barthélemy-Saint Hilaire. Le culte, respectable entre tous, qu’il a voué au Stagyrite excuse seul un aveuglement presque touchant. En réalité, toutes les imperfections, tous les défauts qu’on peut relever dans la collection aristotélique se trouvent encore exagérés dans l’Histoire des animaux où d’ineptes sottises anonymes entrecoupent quelques pages admirables dont on ne peut faire honneur qu’au maître ou à ses disciples immédiats, fidèles gardiens de ses idées.

C’est bien en vain qu’on a essayé de démontrer un plan dans ce ramassis incohérent des sujets les plus divers, dans ce livre qui semble fait des débris de toute une bibliothèque dont on aurait sauvé quelques volumes pris aux rayons de choix et d’autres dans les coins oubliés. Il suffit pour le voir, de suivre l’œuvre pas à pas. Les trois premiers livres et le commencement du IVe sont un magnifique exposé d’anatomie humaine, comparée et générale, sujet qu’on retrouve développé dans le traité Des parties. Ceci nous conduit jusqu’au chap.  viii du livre IV. Les trois chapitres qui suivent sur les sens en général, la voix, le sommeil, rappellent les titres des traités De la sensation, Du sommeil. Puis commence, avec le xi et dernier chapitre du livre IV, un véritable traité des sexes et de la génération, autre sujet sur lequel Aristote a spécialement écrit[1]. Il semble qu’un nouvel ouvrage commence, où l’ordre est tout à coup renversé. Au début de l’Histoire des animaux l’auteur avait déclaré (liv.  I, vi, § 12) qu’il convenait de s’appliquer tout d’abord à l’étude des parties dont l’homme se compose : car, « de même qu’on estime la valeur des monnaies en la rapportant à celles qu’on connaît le mieux, de même faut-il faire en toute autre chose. » Maintenant il n’est plus question de cela, on nous annonce qu’il ne sera parlé de l’homme qu’en dernier lieu « parce que la connaissance de ses organes exige infiniment plus de détails. » Il s’agit des sexes : on commencera donc par les plus inférieurs des animaux, les Testacés, pour remonter jusqu’à l’homme. Toutefois ce nouvel ordre, indiqué

  1. Dès les premières lignes du traité De la genèse (I, § 1), l’auteur déclare n’avoir jamais écrit sur cette matière et cependant à chaque instant se trouvent des renvois à l’Histoire des animaux. Nous nous bornerons à cette preuve, entre toutes autres, du désordre de la collection aristotélique.