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ANALYSES.krause. Vorlesungen über Æsthetik.

sente le monde entier de la vie, la belle vie intérieure dans son développement total. La vie humaine, dans sa beauté, avec ses complications, ses situations, ses conflits, ses luttes et ses destinées, y est donnée en spectacle.

Krause ajoute à ce système, comme complément, les arts où se trouvent réunis à la fois le beau et l’utile, tels que l’architecture. Toujours dans le même esprit, la réunion des beaux-arts et des arts utiles lui paraît aussi nécessaire (p. 252). Elle a son principe, selon lui, dans l’utilité elle-même, car l’utile, à son plus haut degré, est aussi unité organique. La gymnastique par exemple développe la force corporelle et entretient la santé : mais aussi elle contribue à la beauté du corps. Elle donne au maintien, à Ia stature, aux mouvements de l’aisance et de la noblesse, de la dignité. L’éloquence, bien que son bu soit le vrai, le bien ou l’utile, devient aussi un art du beau. Elle l’est par l’unité organique qui lui est nécessaire. Elle sert à convaincre et à persuader ; mais elle ne peut convaincre ni persuader sans cette unité organique qui préside à la composition oratoire, et elle est par là déjà une œuvre d’art. Ainsi, dans tous les arts, non seulement à la fois beaux et utiles et libéraux, apparaît l’idée de la beauté. Il n’est pas d’art, quel qu’il soit, la calligraphie, etc., ni de science, la mécanique, etc., qui n’emprunte à la beauté et à l’art une partie de ses effets, pas un qui sans eux prétende à la perfection, aucun qui puisse sans préjudice s’en isoler.,

Nous ne poursuivrons pas plus loin l’examen de ces leçons. Une appréciation générale, approfondie et complète ne peut trouver place dans cet article. Nous souhaitons que notre analyse ait pu en donner une idée exacte. Ce qui en fait un mérite principal, c’est la richesse des détails et des exemples, tout ce qui en rend la lecture aussi instructive qu’intéressante a dû échapper entièrement à notre exposition. Pour que le résultat d’un enseignement qui date de plus d’un demi-siècle puisse aujourd’hui affronter la critique, pour qu’il soit capable d’intéresser le lecteur, plus ou moins familiarisé avec les travaux de tant d’esprits divers, parmi lesquels on compte les maîtres de la pensée moderne sur la science du beau et la philosophie de l’art, pour que cet intérêt soit autre que purement historique, il faut bien que cette œuvre elle-même ait une haute valeur et des mérites réels. On doit donc féliciter vivement et remercier les auteurs de cette publication. Cette récompense leur est due de la part de quiconque s’intéresse aux progrès et à l’histoire de l’esthétique.

Ch, Bénard.