Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 18.djvu/336

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
332
revue philosophique

les lois essentielles que l’auteur en déduit, lois du rythme, de la mesure et de la symétrie,

En résumé, dit Krause, nous avons trouvé que l’idée du beau est l’unité organique, l’unité qui offre en soi une structure organique exprimé dans ses moments, unité, pluralité et réunion. Toute existence dans laquelle se rencontre une unité organique, par là même nous la trouvons belle, et cela conformément au degré de l’existence à laquelle elle appartient, depuis la beauté du cristal jusqu’à celle de l’univers. Nous trouvons la moralité belle, la vertu belle, précisément parce qu’elle est l’harmonie organique de la volonté et de l’action dans le bien.

Après avoir considéré séparément la beauté sous le rapport subjectif et objectif, Krause réunit les deux points de vue dans ce qu’il appelle l’idée totale. Sa définition à la fois objective et subjective (p. 107) est celle-ci : « Est beau objectivement ce qui est organiquement un, subjectivement ce qui entretient l’esprit dans une activité libre conforme à sa loi, ce qui remplit l’âme d’un plaisir désintéressé et d’un amour pur lui-même entièrement désintéressé. » Sans insister sur le côté objectif suffisamment déterminé, Krause revient sur le côté subjectif, ce qui lui fournit une nouvelle analyse des faits de l’esprit à la fois intellectuels, sensibles et actifs, qui répondent à la beauté. Cette partie toute psychologique ajoute un nouvel intérêt à ce qui précède. L’auteur trouve moyen d’y rattacher ce qui a trait à la grâce ou à l’agrément, comme au sentiment du beau, à l’imagination, à l’amour, etc. ; mais elle ne peut guère s’analyser ni se résumer. La pensée principale qui reparaît à la fin est toujours la même : « Si nous embrassons dans son ensemble, dit l’auteur, la nature totale de l’homme, on voit que celle-ci est une unité organique et ainsi elle-même une beauté. Il y a plus : la nature humaine est la parfaite beauté finie en soi et la plus haute beauté de la nature et de l’esprit fini. La belle âme (schöne Seele), c’est la beauté finie qui en résume tous les traits. L’homme ainsi est l’image de la panharmonie parfaite dans la sphère de l’existence finie : l’être beau fini, semblable à la divinité. » (Page 111.)

Krause examine ensuite les conséquences de tout ce qui précède. Les principales sont relatives : 1o à la capacité de tous les hommes pour le beau ; 2o à la nécessité d’exercer cette faculté et de cultiver l’esprit en ce sens et d’en développer le sentiment ; 3o il explique ainsi la diversité des goûts ou la répartition diverse du sens du beau chez les individus, les peuples et les époques, et sur la nécessité de perfectionner le goût. Sur tous ces points, que tant d’auteurs ont traités, il était difficile d’être neuf ; et on ne peut dire que Krause le soit ; mais ce sont des pages excellentes, où les explications nouvelles et les exemples ajoutent à ce que l’on trouve ailleurs chez Kant, Herder, Burke, etc., et les autres esthéticiens anciens ou modernes.

L’auteur étudie ensuite le rapport de l’idée du beau avec les autres idées, celles du vrai et du bien en particulier. Ce point, en effet, est