Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 18.djvu/331

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
327
ANALYSES.krause. Vorlesungen über Æsthetik.

ment s’étonner, après ces variations dans la jurisprudence de la loi divine, des dissentiments entre les partisans de la morale théologique et les partisans de la morale naturelle ? C’est précisément parce qu’ils existent que l’État a voulu que l’éducation morale fût laïque dans ses écoles.

En somme, le conflit qui a éclaté était dans la logique de la situation, et, pour l’éviter, la société civile eût dû renoncer à instituer l’enseignement nouveau. Nous ne pouvons nous associer au reproche que M. Beaussire fait aux pouvoirs publics « d’avoir compromis l’éducation nationale, dans l’ordre moral et religieux, » en séparant nettement l’enseignement laïque donné à l’école par l’instituteur et l’enseignement des religions positives donné par le prêtre à l’église ou au temple. Il importe qu’aucune confusion ne s’établisse entre l’un et l’autre dans l’esprit de l’enfant, afin que, si plus tard il vient à perdre la foi aux dogmes révélés, il ne rejette pas du même coup les croyances morales qui auraient été indissolublement associées dans son esprit aux principes d’ordre surnaturel.

C’est une critique que nous ferons en terminant au livre sur la Liberté d’enseignement : il nous paraît écrit dans un esprit bien pessimiste. Le tableau que l’auteur a fait dans sa préface « des solutions incomplètes, des erreurs commises, des questions témérairement soulevées », non seulement dans l’enseignement primaire, mais dans l’enseignement secondaire et supérieur sous la troisième République est poussé au noir. Pas plus que lui nous ne dirons : Tout est bien ; nous n’oserions pas même affirmer que tout est mieux, mais nous n’hésitons pas à croire que le tout est mieux.

E. de la Hautière.

Krause. — Vorlesungen über Æsthetik oder über Philosophie des schönen und der schönen kunst. Leçons sur l’Esthétique ou sur la philosophie du beau et de l’art, publiées par le Dr Hohlfeld et le Dr Wunske. Leipzig. Otto Schulze, 1882.

À côté ou à la suite des grands philosophes dont les systèmes universellement connus ont marqué le développement de la pensée philosophique en Allemagne pendant plus d’un demi-siècle, se placent des hommes encore éminents qui, pour la valeur et la célébrité des doctrines, sont loin d’égaler les premiers, mais qui pourtant occupent un rang distingué dans la philosophie allemande. K.-Ch.-Fr. Krause est un de ces philosophes. On a pu, comme auteur d’un nouveau système, contester l’originalité et la profondeur de ses conceptions ; néanmoins ses mérites supérieurs, comme penseur et comme écrivain, ne peuvent être sans injustice méconnus. Il est compté parmi les chefs d’école, et il a eu d’assez nombreux disciples. Son influence s’est étendue au delà des frontières de son pays, en Belgique, en France, en Espagne, etc. Il