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delbœuf. — origine de la vie et de la mort

II

Ce que nous venons de dire concerne la vie universelle. Mais à côté du problème général, qui cesse d’en être un si l’on adopte nos prémisses, il se pose un problème particulier qui offre des difficultés spéciales beaucoup plus grandes, celui de la mort individuelle, c’est-à-dire de la dissolution des individus, connexe avec celui de leur apparition. Que l’individu puise ses propriétés dynamiques dans le milieu qu’il habite, qu’après les avoir fait passer de la puissance à l’acte, il les rende à ce milieu à l’état d’inertie, c’est dans l’ordre. Mais comment se constitue l’individu ? comment subsiste-t-il ? pourquoi se dissout-il ? voilà des questions qui, pour être anciennes, n’en sont pas moins obscures. Car, si pendant un certain temps on croit, pourquoi ne croit-on pas toujours et finit-on par décroître ? En d’autres termes, pourquoi la vie s’étend-elle entre la naissance et la mort ?

Quand il s’agit de l’individu, le mot de vie prend un sens précis et il éveille en nous la double idée de naissance et de mort. En parlant de la matière universelle, je puis dire à volonté qu’elle est vivante ou morte, suivant que j’envisage en elle soit le côté actif, soit le côté inerte. À ce point de vue, on peut dire du cadavre d’un animal qu’il continue à vivre, si l’on considère l’activité isolée des cellules qui le composent, ou même la décomposition de ces cellules mêmes. Mais ces généralités jettent peu de jour sur l’origine de la vie, dans le sens vulgaire du mot. La vie, en tant que se rapportant à l’individu, est une activité spéciale par laquelle se fait et se maintient une certaine union, une certaine société entre des éléments combinés en vue d’un but commun. Quand une pareille union se forme, nous disons qu’un individu naît ; quand elle se détruit, nous disons qu’il meurt. Ici, mort et vivant sont termes opposés non pas relativement, mais radicalement. Tant que l’individu est vivant, il n’est pas mort ; et, quand il est mort, c’est pour toujours. Ce sont là des vérités terriblement vulgaires et qui n’en sont pas plus faciles à comprendre. Il y a donc à examiner pourquoi l’individu naît et pourquoi il meurt. En ces deux questions se résume le vrai problème de la vie. Au fond, elles n’en font qu’une, ou plutôt, ainsi que nous allons le voir, la dernière implique la première, en ce sens que la naissance n’a pas la mort pour conséquent nécessaire, mais que la mort a pour antécédent nécessaire la naissance.

Que l’univers, considéré comme vivant, passe d’un premier terme