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ANALYSES.tielle. Anciennes religions, etc.

bien compris y ont contribué aussi bien que les évolutions récentes d’un spiritualisme rajeuni, émancipé de l’axiome, si cher à son prédécesseur, que la plus grande marque de respect que l’on puisse donner aux croyances religieuses consiste à n’en jamais souffler mot[1]. D’une part, un scepticisme croissant à l’égard des infaillibilités de tout nom ; de l’autre, le sentiment que, quoi qu’on pense des religions et de leur contenu, il faut pourtant considérer la religion en soi comme quelque chose d’inaliénable et d’indéracinable, ont amené chez un grand nombre d’esprits cette disposition que l’ancienne théologie eût appelée irénique, c’est-à-dire pacifique et tolérante, et qui assure à notre science spéciale un champ d’exercice sur lequel il lui sera facile de se dérouler en pleine sécurité de conscience et d’allures. La partie morale, si nécessaire à toute œuvre scientifique à ses débuts, peut donc être considérée comme gagnée. Reste la partie d’exécution, et celle-là est naturellement plus longue à mener à bonne fin. »

Dans une situation telle que la nôtre, la traduction d’ouvrages étrangers, dus à la plume des écrivains les plus compétents et consacrés par le suffrage de la critique, est donc une chose précieuse. Commençons par reconnaître que nous sommes tributaires de l’étranger, pour travailler à faire aussi bien que lui. Un ouvrage précédemment traduit du même auteur, le Manuel d’histoire des religions que le rédacteur de ce compte rendu a fait passer en notre langue, a été si favorablement accueilli qu’une seconde édition ne tardera pas à paraître ; l’Histoire comparée trouvera le même accueil.

Dans le présent ouvrage, M. Tiele, l’’éminent professeur d’histoire des religions à l’université de Leyde, à entrepris de donner sous une forme systématique un exposé du développement de la religion dans une région déterminée et aux époques anciennes.

« Il est, dit M. Réville, un groupe de peuples d’une physionomie très distincte, très tranchée et qui a droit à un intérêt tout spécial de notre part, puisqu’il nous à fourni les premiers éléments de notre propre civilisation et la religion même des peuples modernes. Je veux parler de ces peuples qui dominèrent longtemps les vallées du Tigre, de l’Euphrate, celle du Nil et les contrées intermédiaires de la Palestine et de la Syrie. Bien que l’Égypte soit un membre, à bien des égards hétérogène, de ce groupe ethnique, il convient pourtant de l’y rattacher au point de vue de l’histoire religieuse, non seulement à cause des affinités, plus étroites qu’on ne le pensait jadis, qui rapprochent les Chamites des Sémites, mais aussi à cause des rapports, tantôt d’assimilation, tantôt de répulsion, qui marquent le développement religieux des peuples voisins de l’isthme de Suez. Peut-être s’étonnera-t-on de nous entendre affirmer une relation d’origine entre ces nations chamitiques et

  1. Nous serions un peu moins affirmatif que M. Réville sur l’évolution qu’il signale dans le spiritualisme universitaire ; nous sommes heureux que les symptômes lui en apparaissent plus nettement qu’à nous même.