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veau, lesquelles sont cause de la facilité que nous avons de nous souvenir des choses. De sorte que, s’il n’y avait point de perceptions attachées au cours des esprits animaux ni à ces traces, il n’y aurait aucune différence entre la mémoire et les autres habitudes[1]. »

Telle est, dans ses parties essentielles, la théorie de la mémoire d’après Malebranche, théorie qui n’est que le développement des principes posés par Descartes. En présence des textes que nous avons cités, il nous paraît impossible de ne pas admirer le parti qu’a su tirer Malebranche de connaissances physiologiques bien incomplètes pour rendre compte des phénomènes psychiques. Ce n’est pas un cas isolé, et nous pourrions aisément faire maint rapprochement entre ses œuvres et celles des principaux représentants de l’école psycho-physiologique actuelle. C’est ainsi que les fragments si intéressants de physiologie et de psychologie que vient de publier M. Charles Richet, sous le titre l’Homme et l’Intelligence, pourraient donner lieu à de nombreuses citations de Malebranche, notamment au sujet de la douleur et de la sorcellerie. D’autre part, M. Espinas fait remarquer justement que Malebranche a su considérer une société animale comme une machine unique, dont les diverses parties seraient reliées par les impressions sensibles de ses membres, conception qui lui fournit aussi la base physiologique de la charité ou, comme on dirait aujourd’hui, de l’altruisme[2]. Enfin, en présence des admirables développements pris par la notion d’hérédité, il est impossible de ne pas rappeler que Malebranche y attachait une grande importance, qu’il a longuement discuté l’influence de la mère sur l’enfant pendant la gestation, et qu’il a cherché à expliquer le péché originel par une transmission physiologique.

Georges Lechalas.

Nous retrouvons tardivement, dans le 11e entretien sur la métaphysique, un passage assez curieux, relatif aux générations spontanées. Du temps de Malebranche, on discutait sur la génération des vers par la pourriture ; aussi la question était-elle plus facile à résoudre que lorsque, s’étant déplacée, elle a porté sur les organismes élémentaires. Mais, pour être devenue d’une application beaucoup plus délicate, la méthode suivie par M. Pasteur n’en est pas moins celle qu’indique Malebranche.

  1. Livre II, 1re partie, chap.  v.
  2. Livre II, 3o partie, chap.  i.