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lechalas. — l’œuvre scientifique de malebranche

dans laquelle l’âme réside plus particulièrement, parce que ce seul principe supposé, la nature de la mémoire est expliquée. Car, de même que les branches d’un arbre, qui sont demeurées quelque temps ployées d’une certaine façon, conservent quelque facilité pour être ployées de nouveau de la même manière, ainsi les fibres du cerveau, ayant une fois reçu certaines impressions par le cours des esprits animaux et par l’action des objets, gardent assez longtemps quelque facilité pour recevoir ces mêmes dispositions. »

Voilà bien posé le principe de la conservation, et il convient de remarquer que, dans ce passage, Malebranche emploie des expressions assez générales pour qualifier les modifications de la matière cérébrale et qu’il y représente le résidu psycho-physiologique, comme étant plutôt une disposition que comme une empreinte  ; il n’est pas toujours aussi heureux dans ses expressions.

Le paragraphe consacré spécialement à la mémoire est très court et absolument incomplet ; mais Malebranche y renvoie à ce qu’il a dit de l’imagination, laquelle, à vrai dire, se confond à peu près avec la mémoire : voyons donc ce qu’il y a à recueillir dans son étude sur l’imagination.

Nous avons vu que le second facteur de la mémoire consiste dans les associations dynamiques ou acquises des éléments nerveux. Or c’est un sujet que Malebranche a traité avec une conviction profonde de son importance : nous trouverons malheureusement ici la phraséologie des traces, mais nous avons suffisamment expliqué pour quelle raison il ne faut pas y attacher une grande importance.

« Il est à propos, dit Malebranche, de dire quelque chose de la liaison des traces les unes avec les autres, et par conséquent de celle qui est entre les idées qui répondent à ces traces. Cette liaison consiste en ce que les traces du cerveau se lient si bien les unes avec les autres, qu’elles ne peuvent plus se réveiller sans toutes celles qui ont été imprimées dans le même temps. Si un homme, par exemple, se trouve dans quelque cérémonie publique, s’il en remarque toutes les circonstances et toutes les principales personnes qui y assistent, le temps, le lieu, le jour, et toutes les autres particularités, il suffira qu’il se souvienne du lieu, ou même d’une autre circonstance moins remarquable de la cérémonie, pour se représenter toutes les autres… La cause de cette liaison de plusieurs traces est l’identité du temps auquel elles ont été imprimées dans le cerveau ; car il suffit que plusieurs traces aient été produites dans le même temps, afin qu’elles ne puissent plus se réveiller que toutes ensemble, parce que les esprits animaux trouvant le chemin de toutes les traces qui se sont faites dans le même temps entr’ouvert, ils y continuent leur chemin à cause qu’ils y passent plus facilement