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cerveau et répandues dans toutes les parties de notre corps soient dans un parfait repos, comme il arrive encore pendant qu’on dort[1]. »

En ce qui concerne la production des mouvements, voici ce que dit Malebranche :

« Selon toutes les apparences du monde, il y a toujours dans quelques endroits du cerveau, quels qu’ils soient, un assez grand nombre d’esprits animaux très agités par la chaleur du cœur d’où ils sont sortis, et tous près de couler dans les lieux où ils trouvent le passage ouvert. Tous les nerfs aboutissent au réservoir de ces esprits, et l’âme a le pouvoir de déterminer leur mouvement et de les conduire par ces nerfs dans tous les muscles du corps. Ces esprits y étant entrés, ils les enflent et, par conséquent, ils les raccourcissent. »

Malebranche ne méconnaît pas du reste la partie hypothétique de cette explication :

« Que cette explication soit vraie ou fausse, dit-il, elle ne laisse pas d’être également utile pour faire connaître la nature des habitudes, parce que, si l’âme ne remue point le corps de cette manière, elle le remue nécessairement de quelque autre manière qui lui est assez semblable pour en tirer les conséquences que nous en tirons[2]. »

Après avoir ainsi établi quelles étaient les connaissances de Malebranche relativement à la physiologie du système nerveux, nous pouvons aborder l’étude de sa théorie de la mémoire. Nous allons voir disparaître les prudentes réserves que nous venons de rencontrer sur la nature précise des modifications de ce système ; mais nous sommes prévenus que, au fond, l’énoncé d’une modification déterminée ne constitue qu’une hypothèse, destinée à donner plus de précision au langage.

Ainsi que nous le verrons, Malebranche a parfaitement reconnu les liens étroits qui rattachent les habitudes à la mémoire ; mais il n’est pas parti, comme M. Ribot, de l’étude de la mémoire organique pour s’élever à celle de la mémoire psychologique. Il serait sans doute facile, par quelques transpositions de texte, d’établir un parallélisme artificiel entre les deux études ; mais nous préférons analyser avec une entière fidélité l’exposé fait par Malebranche.

« Pour l’explication de la mémoire, dit-il, il suffit de bien comprendre cette vérité : que toutes nos différentes perceptions sont attachées aux changements qui arrivent aux fibres de la partie principale du cerveau

  1. Livre I, chap.  X.
  2. Livre II, 1re partie, chap. V.