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lechalas. — l’œuvre scientifique de malebranche

pondant aux organes moteurs, des associations dynamiques secondaires plus ou moins stables, c’est-à-dire une mémoire. Le terme dynamiques distingue simplement ces associations des associations naturelles : on pourrait donc y substituer le mot acquises.

Si l’on étudie ces actions automatiques secondaires, on reconnaît que cette mémoire organique ne diffère de la mémoire psychologique que par l’absence de la conscience. À l’origine la conscience accompagnait l’activité motrice, puis elle s’est effacée graduellement.

En résumé, les conditions physiologiques de la mémoire sont : 1o une modification particulière imposée aux éléments nerveux ; 2o une association, une connexion particulière établie entre un certain nombre de ces éléments.

D’une manière générale, ce qui a été dit de la mémoire physiologique s’applique à la mémoire consciente ; il n’y a qu’un facteur en plus. Il y a peu de chose à ajouter sur les deux premiers facteurs. Les résidus ne sont pas des empreintes, mais des dispositions fonctionnelles ; quant aux associations dynamiques, elles jouent un rôle des plus considérables.

Le facteur spécial à la mémoire psychologique, c’est la reconnaissance, ou mieux la localisation dans le temps. Comme la localisation dans l’espace, elle se fait en déterminant les positions par rapport à un point fixe, qui est ici notre état présent. Chaque état de conscience a une certaine durée, en sorte que le bout initial de l’état actuel touche le bout final de l’état antérieur. Par une marche régressive à partir de l’état actuel, on peut donc déterminer la position d’un état antérieur. Pratiquement, on va plus vite par l’emploi des points de repère, c’est-à-dire d’événements, d’états de conscience dont nous connaissons bien la position dans le temps. Toutefois on doit remarquer que cette localisation a un caractère relativement illusoire, tout souvenir subissant un énorme raccourcissement, vu qu’une grande partie des états de conscience s’efface complètement.

Si l’on considère les conditions physiologiques qui agissent sur la mémoire, on remarque que les modifications des éléments nerveux ne sont pas conservées dans une matière inerte, comme le cachet imprimé sur la cire : elles sont déposées dans une matière vivante, soumise à une rénovation moléculaire continue. Puisque les modifications persistent, il faut que les nouveaux matériaux se disposent comme les précédents : la mémoire dépend directement de la nutrition, au point de vue de la conservation. Quant à la reproduction des souvenirs, elle paraît dépendre de l’état de la circulation, celle-ci influant tant par la qualité que par la quantité du sang. La question est du reste fort obscure, et l’on ne peut que citer quelques faits à l’appui