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que la cause des différences de tonalité[1]. » Nous allons voir que Malebranche à affirmé avant Euler, de la façon la plus expresse, la périodicité des ondulations lumineuses et l’analogie entre les différences de coloration et les différences de tonalité.

Malebranche a donné quelques indications relatives à la lumière dans la Recherche de la vérité et dans les Entretiens métaphysiques ; mais, pour connaître avec précision ses idées sur ce sujet, il est nécessaire d’étudier un mémoire présenté par lui à l’Académie des sciences en 1699[2], ainsi que le travail complémentaire publié en 1719, à la fin des Éclaircissements à la Recherche de la vérité. Le mémoire de 1699 se trouve d’ailleurs reproduit, avec quelques modifications, immédiatement avant ce dernier travail.

La conclusion du mémoire est de la plus grande netteté, ainsi qu’on peut en juger : « Quoi qu’il en soit, dit Malebranche, je crois avoir clairement prouvé que les diverses couleurs ne consistent que dans la différente promptitude des vibrations de pression de la matière subtile, comme les différents tons de la musique ne viennent que de la diverse promptitude des vibrations de l’air grossier, ainsi que l’apprend l’expérience. »

La conclusion n’est pas la seule chose intéressante dans la théorie de Malebranche : les considérations qui l’amènent à la formuler, ce qu’il dit du nombre des vibrations répondant à chaque couleur et enfin ses explications de la couleur des corps méritent bien une rapide étude.

Après avoir rappelé que la différence des sons de la musique est produite par la plus ou moins grande promptitude des vibrations de l’air, Malebranche s’exprime ainsi :

« Il est certain que les couleurs dépendent naturellement de l’ébranlement de l’organe de la vision. Or cet ébranlement ne peut être que fort et faible, ou que prompt et lent, Mais l’expérience apprend que le plus et le moins de la force ou de la faiblesse de l’ébranlement du nerf optique ne change point l’espèce de la couleur ; puisque le plus ou le moins de jour, dont dépend je plus et le moins de cette force, ne fait point voir ordinairement les couleurs d’une espèce différente et tout opposée. Il est donc nécessaire de conclure que c’est le plus et le moins de promptitude dans les vibrations du nerf optique, qui change les espèces de couleurs, et, par conséquent, que la cause de ces sensations vient

  1. Verdet, Œuvres, t.  V, p. 48.
  2. Mémoires de l’Académie des Sciences, année 1699, p. 22.