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lechalas. — l’œuvre scientifique de malebranche

a pas moins donné lieu à de vives controverses. Malebranche ayant proposé une explication de ce fait dans le Ier livre de la Recherche de la vérité, le cartésien Régis la combattit dans son Système de philosophie ; ce fut pour Malebranche l’occasion d’une réponse qu’il joignit aux éclaircissements publiés à la suite de la Recherche. Cette discussion tourna d’ailleurs à son avantage, car plusieurs académiciens, dont les noms faisaient autorité, se rangèrent à son opinion, dans une déclaration publique. Quoi qu’il en soit, cette explication, aussi connue que le nom de son auteur l’est peu, consiste à dire que nous jugeons la lune beaucoup plus éloignée lorsqu’elle est près de l’horizon et que nous la jugeons dès lors plus grosse, bien que son diamètre apparent soit un peu plus petit, sa distance réelle à l’observateur étant un peu plus grande. Quant à cette exagération de la distance apparente, Malebranche l’explique par les divers objets que nous voyons alors entre elle et nous. Il donne comme preuve de cette explication le fait que, en observant la lune à travers un verre enfumé qui ne permet pas d’apercevoir les objets terrestres, on la voit de la même grosseur, quelle que soit sa position par rapport à l’horizon. Malebranche signale d’ailleurs ce fait que la voûte céleste parait comme un demi-sphéroïde aplati, ce qui est bien d’accord avec son explication.

Si nous voulions énumérer toutes les questions scientifiques discutées par Malebranche, la liste serait longue ; nous devons en négliger beaucoup pour entrer dans quelques détails sur la théorie des couleurs et sur la théorie physiologique de la mémoire.

I

Les traités de physique citent comme précurseurs de la théorie de la lumière, telle que l’ont faite Yung et Fresnel, Descartes, Huyghens et Euler ; mais nous ne croyons pas qu’aucun traité de notre temps parle de Malebranche. Il est pourtant aisé de montrer qu’il mériterait bien cet honneur. Voici en effet ce que dit Verdet, l’éminent et regretté professeur de l’École polytechnique, de ce qu’il croit être l’œuvre d’Euler : « Bien qu’il ait donné de la plupart des phénomènes connus de son temps les explications les plus inexactes… Euler n’en mérite pas moins de conserver dans l’histoire de l’optique une place éminente, pour avoir dit le premier d’une manière expresse que les ondulations lumineuses sont périodiques comme les ondulations sonores, que la couleur dépend de la durée de la période, et qu’ainsi la cause des différences de coloration est au fond la même