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à écouter les réponses du Maître intérieur ; mais nous ne croyons pas qu’on doive aucune découverte mathématique à Malebranche. On lui doit seulement d’avoir surveillé la publication de l’Analyse des infiniment petits du marquis de l’Hôpital, dont la lecture à l’état manuscrit lui avait fait passer deux mois fort agréablement, ainsi qu’il l’écrivait au P. Jaquemet de l’Oratoire. On trouve d’ailleurs, dans le vi livre de sa Recherche de la vérité, quelques aperçus pleins de profondeur sur la différence de clarté qui existe entre les notions géométriques et les notions arithmétiques.

Ainsi que l’a fort bien montré M. Ernest Naville, dans sa Physique moderne, la question fondamentale de la physique cartésienne était celle des lois de la communication des mouvements. Aussi Malebranche a-t-il pris une part active à la discussion de cette question, et une lettre qu’il écrit à Leibniz en 1698 nous le montre modifiant les opinions qu’il avait précédemment soutenues à ce sujet.

Nous avons hâte d’arriver aux questions qui nous paraissent donner une haute valeur à l’œuvre scientifique de Malebranche ; mais nous ne pouvons cependant passer sous silence deux points où on le voit, d’une part, énoncer une hypothèse ingénieuse sur un problème que la physique moderne n’a pu encore résoudre, et, d’autre part, formuler une explication devenue classique du fait que la lune paraît plus grosse lorsqu’elle est auprès de l’horizon.

La physique moderne cherche à expliquer tous les phénomènes en ne considérant dans les corps que la propriété d’occuper une partie de l’étendue et de résister au mouvement d’un autre corps. On n’a pu encore ramener la cohésion à cette propriété fondamentale ; mais c’est une question qui s’impose à la science, et l’on doit recueillir les aperçus qu’un penseur tel que Malebranche a laissés sur ce sujet. L’expérience des hémisphères de Magdebourg, que l’on ne peut séparer qu’au moyen d’un effort considérable lorsqu’on en a retiré l’air, lui paraît conduire à une solution du problème de la cohésion ou de la continuité, pour nous servir du mot qu’il emploie. Ce qui unit les deux hémisphères, c’est la pression exercée par l’air sur leur surface extérieure alors que leur surface intérieure n’est pas pressée. Ce n’est pas l’air qui produit la cohésion, mais elle peut être due à une action analogue de l’éther, cette matière subtile, répandue partout et animée de mouvements extrêmement rapides. On ne saurait d’ailleurs s’étonner de la grande force résultant de cette action de la matière subtile, puisque c’est elle qui produit tous les effets de la chaleur (Recherche de la vérité, vie livre).

À côté de cette haute question, l’explication de la grosseur apparente de la lune près de l’horizon a bien peu d’importance. Elle n’en