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L’ŒUVRE SCIENTIFIQUE DE MALEBRANCHE


Malebranche a partagé l’opinion de tous les grands philosophes du xviie siècle sur la nécessité d’unir l’étude des sciences à celle de la philosophie ; il s’est ainsi trouvé amené et à discuter des questions de science pure et à appuyer des théories philosophiques sur des données scientifiques. Il nous semble qu’à cet égard il ne lui a pas été rendu justice. Ce fait d’ailleurs s’explique aisément : d’une part, en effet les savants n’ont guère été portés à aller chercher des théories scientifiques perdues au milieu de volumes philosophiques, et, d’autre part, un divorce déplorable s’étant fait entre la philosophie spiritualiste et la science, les adeptes de la première n’ont remarqué ce qui avait trait à la seconde que pour en être blessés[1] et pour reprocher, avec Joubert, au grand cartésien, son goût pour sa chère physique. Toutefois il nous semble qu’on aurait pu s’attendre à plus de justice de la part des philosophes qui appartiennent, de près ou de loin, à l’école positiviste ; mais il est arrivé que, rebutés sans doute par le caractère métaphysique qui domine dans l’œuvre de Malebranche, ils n’ont pas su voir en quoi il a été leur précurseur. Nous nous proposons d’appeler l’attention sur ce point négligé de l’histoire de la philosophie et de la science. La présente étude comprendra deux parties principales relatives à la théorie des couleurs et à la théorie de la mémoire, mais nous signalerons d’abord quelques détails d’une moindre importance, dont plusieurs sont mentionnés par M. l’abbé Blampignon dans son intéressante Étude sur Malebranche, étude comprenant une correspondance à laquelle nous ferons quelques emprunts.

Les mathématiques ont séduit forcément un esprit si vivement épris de la contemplation des idées et qui goûtait un si vif plaisir

  1. Nous devons dire toutefois que M. Ollé-Laprune a fait une mention relativement élogieuse de la théorie physiologique de l’imagination. M. Paul Janet, d’autre part, rend sur ce point pleine justice à Malebranche, mais sans développement de nature à faire connaître la portée réelle de l’œuvre du grand oratorien (Les Maîtres de la pensée moderne).